jeudi 22 mai 2014

A la barre, André Bamberski défend le «combat de sa vie »

Un instant, on l’a cru usé. Epuisé par trente longues années de combat judiciaire. Mais André Bamberski, jugé jusqu’à demain devant le tribunal correctionnel de Mulhouse (Haut-Rhin) pour son rôle dans l’enlèvement de Dieter Krombach, responsable de la mort de sa fille, semble infatigable. L’homme de 76 ans, chemise à carreaux, veste beige, cheveux blancs, prend des notes frénétiquement, réclame la parole, contredit les avocats, sermonne le procureur et précise, encore et toujours, les faits d’un dossier qu’il connait par cœur.

C’est le « combat de sa vie » : trainer en justice l’assassin de sa fille, Kalinka, retrouvé morte un matin d’été 1982 dans la maison de sa mère en Bavière. « Mes problèmes ont commencé en octobre 1982, lorsque j’ai reçu la traduction du rapport d’autopsie, a-t-il raconté cet après-midi. J’ai acquis la certitude que le Dr Krombach avait violée et tué Kalinka. » Suivront des décennies de « dysfonctionnements » et de « bavures » des justices françaises et allemandes. Condamné par contumace à quinze ans de prison en 1995, le médecin continue de couler des jours paisibles en Allemagne. « Les autorités ne faisaient rien » se désole Bamberski qui, lui, embauche des détectives privés, s’entoure d’un réseau d’informateurs qui suivent Krombach à la trace. Jusqu’à ce jour d’octobre 2009 où il apprend un possible exil au Rwanda. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, j’ai paniqué, j’ai perdu la tête. » Il prend alors la décision de « transporter » Krombach en France pour qu’il y soit jugé.

Le reste de l’histoire est assez flou, voire rocambolesque. D’après Bamberski, un homme, Anton K., se serait alors présenté à lui, lui proposant d’organiser l’enlèvement. Sans demander un sous en échange. 19 000 euros seront pourtant retrouvés dans la chambre d’hôtel de Bamberski. « Ma participation aux frais », dit –il. « Cela représente un peu plus que les frais d’essence », ironise la présidente du tribunal. « Vous dites que vous assumez, c’est ambigüe, poursuit-elle. « Reconnaissez-vous avoir commandité cet enlèvement ? ». « Oui j’assume, répond Bamberski. J’assume l’exercice et l’exécution de la justice. Mais je n’ai pas commandité l’enlèvement, c’est un mot inventé par les médias ». « Vous jouez sur les mots », sourit la magistrate.

Les « hommes de main » qui comparaissent aujourd’hui aux côtés de Bamberski ressemblent davantage à des pieds nickelés qu’à des chevaliers blancs. Le cerveau de cette improbable équipée serait donc Anton K., barman kosovar de 43 ans au look improbable de métalleux : blouson noir ouvert sur une croix en bois, bouc et cheveux longs. « C’est pas une histoire d’argent, dit-il. J’ai deux enfants, j’étais sensible à cette histoire. » A ses côtés, Kacha B., Géorgien trapu, brille plus par ses muscles que par son intelligence. Le troisième homme, un certain Yvan descendu au cours du voyage, n’a jamais été retrouvé. Une aubaine pour les deux hommes qui s’empressent de tout mettre sur le dos de l’absent : c’est lui qui aurait tabassé le docteur allemand pendant l’enlèvement. A moins que ce ne soit Krombach lui-même qui les ai frappés : « On voulait frapper personne, c’est lui qui a sorti sa matraque ! » lance Kacha. « Donc si je comprend bien, un homme de 74 ans met en danger trois hommes jeunes ? » ironise l’avocat de Krombach, Philippe Ohayon. « Vous êtes quand même les agresseurs, vous venez l’enlever, il se défend ! » ajoute la juge, qui brandit les photos du visage tuméfié de Krombach. « On ne peut pas procéder à un enlèvement en disant à l’homme de monter lui-même dans la voiture » répond, laconique, Anton.

Réquisitoire et plaidoiries sont attendus demain. André Bamberski encourt jusqu’à dix ans de prison. Son avocat plaidera la relaxe.

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