jeudi 23 octobre 2014

Alain Pojolat : « Aucun gouvernement ne nous interdira la rue »

Il est un peu moins de 10 heures, hier matin, lorsque l'Internationale retentit dans la 24e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Personne ne bronche, à peine quelques sourires sur les bancs du public. Car l'affaire est grave. Si plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place Saint-Michel à quelques mètres du palais de justice – dont les chants résonnent jusque dans la salle d'audience - c'est justement pour défendre la liberté de manifester. Alain Pojolat, militant syndical (CGT) et politique (NPA) est poursuivi pour avoir « organisé » des manifestations interdites en juillet à Paris, en solidarité avec la Palestine. Il risque jusqu'à six mois de prison et 7500 euros d'amende.


Le militant de 66 ans, figure de la gauche radicale en France, se présente à la barre. Pull noir et regard bleu acier. La présidente du tribunal précise les faits : « On ne vous reproche pas d'avoir manifesté mais d'avoir organisé des manifestations en soutien à la Palestine alors qu'un arrêté préfectoral d'interdiction avait été notifié ». Chargé du lien avec la préfecture, Alain Pojolat a signé les deux arrêtés interdisant les manifestations des 19 et 26 juillet. « Vous vous êtes donc engagé à informer les autres responsables et à faire respecter cet arrêté », détaille la magistrate en lisant les procès verbaux. Alain Pojolat : « Je ne me suis jamais engagé à faire respecter la décision, j'aurais jamais signé ça. Ca n'était pas à moi de le faire ! J'ai informé mon parti et l'ensemble des associations qui appelaient à manifester et qui ont décidé de maintenir la manifestation. C'était une décision collective. Une manifestation n'est pas appelée par une seule personne ! Je n'en ai pas le pouvoir. »
D'autant qu'Alain Pojolat ne s'est pas lui-même rendu à ces manifestations interdites. Pour une seule raison : en juin, il avait été condamné à 1500 euros d'amende avec sursis pour avoir participer à un rassemblement non déclaré en soutien à George Ibrahim Abdallah – communiste libanais en prison en France depuis trente ans. Un sursis qu'il ne veut pas voir révoqué... Et qui reste inscrit au casier judiciaire, donc mentionné hier matin à l'audience. « Nous sommes dans la même catégorie de délinquance », constate la juge, causant des remous sur les bancs du public.

La parole est au ministère public, bien en peine de justifier ces poursuites. « Alain Pojolat se défend de tout pouvoir d'organisation, mais c'est bien à lui qu'on vient notifier cette interdiction, lance la procureure. Comme il avait organisé cette manifestation, à partir du moment où elle était interdite, il aurait dû participer à sa désorganisation ». Rires dans la salle.

Pour l'avocat d'Alain Pojolat, Me Jean-Louis Chalanset, le dossier est « vide » juridiquement. Reste les causes politiques de telles poursuites, de la part d'un gouvernement « pro-israélien ». « Je préfère qu'on ne fasse pas de cette audience une tribune », le coupe la présidente. « Aucune manifestation de soutien à la Palestine n'a été interdite dans le monde entier. Le seul pays qui l'ait fait, c'est la France !, poursuit l'avocat. On est dans une hypocrisie totale. Pourquoi poursuivre seulement Alain Pojolat ? Pourquoi ne pas poursuivre des membres du NPA plus connus ? ».

La présidente donne la parole au prévenu pour un dernier mot. Solennel, Alain Pojolat revient à la barre : « Quelque soit la décision de votre tribunal, aucun gouvernement, qu'il soit de gauche, de droite ou d'extrême droite, ne nous empêchera jamais de manifester pour la cause palestinienne. Je suis un militant et je le resterai jusqu'au bout. »

Trois heures plus tard, le tribunal rend son jugement : « Monsieur Pojolat, vous êtes relaxé ». Applaudissements dans la salle. Le parquet à dix jours pour faire appel. A l'extérieur, le militant ne triomphe pas. « On n'acceptera jamais qu'un gouvernement nous interdise la rue, on n'aurait même pas dû être là aujourd'hui. Cette audience montre l'acharnement du gouvernement contre ceux qui lèvent la tête ».

Trois autres militants sont poursuivis pour avoir distribué, le samedi 26 juillet, des tracts qui appelaient à la manifestation en soutien avec la Palestine. « Ils ont été interpellé à 12H50 alors que le Conseil d’Etat rendait sa décision (interdisant la manifestation, NDLR) à 13h30 », note Me Chalanset, leur avocat. Les policiers ont saisi « caddie, tracts et mégaphone ». Ces poursuites participent, selon Alain Pojolat, à la « criminalisation du mouvement militant ». L'audience devrait se tenir le jeudi 29 octobre, à 13H30, au tribunal correctionnel du palais de justice de Paris.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire