jeudi 12 juin 2014

Nicolas Bonnemaison « n’a pas mis fin à des vies, il a raccourci des agonies »

Il est apparu très seul dans le grand box des accusés de la cour d’assises de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Nicolas Bonnemaison comparait depuis hier pour sept « empoisonnements sur personnes vulnérables », des personnes âgées en fin de vie dont il dit avoir abrégé les « souffrances intolérables ». « Cela vous rend passible de la réclusion criminelle à perpétuité », l’informe le président de la Cour, Michel Lemaitre. En costume cravate élégant, l’ancien médecin urgentiste acquiesce, livide, avant de déclarer d’une voix douce, nouée par l’émotion : « Comparaître ici comme un criminel, un assassin, un empoisonneur, c’est violent pour moi et ma famille». Il dit penser aux patients et à leur famille, avec qui il a vécu « des choses fortes qui marquent le médecin et l’homme ». Et souffle : « J’ai fait du mieux que j’ai pu ».

Sous les questions parfois très intrusives du président, Nicolas Bonnemaison a raconté sa vie dans les moindres détails : de son rêve d’enfant de devenir médecin à sa relation extraconjugale en 2007, en passant par ses épisodes dépressifs. Les suicides de son père en 1987, puis de sa sœur en 2012 le marque profondément. « Ces suicides ont-ils eu une influence sur votre façon de vous occuper de vos patients en fin de vie ? », l’interroge Me Valérie Garmendia, avocate des époux Iramuno, partie civile. « Je ne pense pas », répond l’ancien urgentiste d’une voix posée. « Ce n’est pas un dépressif qui a fait n’importe quoi ! », s’insurge l’avocat de la défense Me Benoît Ducos-Ader.

A ses côtés, Nicolas Bonnemaison bénéficie du soutien de sa femme, Julie, médecin anesthésiste et mère de ses deux filles. C’est sur son épaule qu’il s’appuie pour arriver à la cour d’assises, assailli par les micros et les caméras. Avec fougue, elle défend à la barre l’homme qu’elle aime, mais aussi le médecin. « Ce n’est pas un assassin, c’est un bon médecin qui a agit avec bon sens, dit cette brune de 44 ans à l’accent du sud ouest. Il n’a pas mis fin à des vies, il a raccourci des agonies ». Elle décrit un médecin « connu pour sa gentillesse », « très patient », « respecté, jamais critiqué ».

Hier en fin d’après-midi, le procès est rentré dans le vif du sujet avec l’interrogatoire de Nicolas Bonnemaison sur les faits qui lui sont reprochés. L’ancien urgentiste a raconté comment les malades en fin de vie terminaient systématiquement dans son service, l’Unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD). « Les patients sont transférés à l’UHCD pour y décéder, explique le médecin. Le processus d’agonie est déjà engagé ». Il n’a pas respecté l’exigence de collégialité et d’information aux familles, deux obligations contenues dans la loi Leonetti de 2005. « C’est délicat vis-à-vis de la famille de leur demander de prescrire la sédation terminale, répond-il. C’est un point de la loi Leonetti que j’ai du mal à appliquer. J’ai le sentiment de transférer la responsabilité du médecin à la famille ». Mais toutes les familles ne sont pas d’accord. Si aucune n’a porté plainte, deux se sont constituées partie civile pour « témoigner » de ce qu’elles ont vécu et « comprendre ». « Ils ont le sentiment d’avoir été écartés, témoigne l’avocat des époux Iramuno. Ils n’ont pas pu dire en revoir ».

Les débats sont prévus pour durer jusqu’au 27 juin.

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