Sans doute retiendra-t-on du procès du sociologue Nicolas Jounin, qui s’est tenu hier devant la 16e
chambre du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis),
qu’il vaut mieux, lorsqu’on manifeste aujourd’hui en France, ne pas
avoir en sa possession de sérum physiologique, sous peine de se le voir
reprocher devant un juge. « M. Jounin était venu dans cette manifestation pour en découdre ! a tonné la procureure de la République. La preuve ? Cet attirail trouvé sur lui. »
Poursuivi pour violences en réunion contre une personne dépositaire de
l’autorité publique, le sociologue portait sur lui, lorsqu’il a été
interpellé et fouillé, « un vade-mecum du comportement à adopter en cas d’interpellation » et « quatre fioles de sérum physiologique ».
D’après les procès-verbaux des policiers, ces derniers doivent alors faire face à des « manifestants
hostiles ». « Une scène hallucinante de violence, avec 150 personnes
enragées qui veulent forcer un barrage de police », résume, tout en nuances, la procureure. « C’était comme dans Astérix, ils ont foncé, raconte pour sa part le gardien de la paix. Je suis tombé, j’ai été piétiné, j’ai perdu connaissance. »
Il obtiendra, tout comme Nicolas Jounin, un jour d’incapacité totale de
travail. Dans sa plainte et encore devant le tribunal, il se dit bien
incapable de mettre un visage sur la personne qui l’a mis à terre. Mais
le commissaire divisionnaire David Le Bars a formellement identifié
Nicolas Jounin, sur photo. Me Raphaël Kempf, avocat du sociologue, tique : « Il
le décrit avec une ‘‘calvitie partielle’’, ce qui est incontestable,
mais ce jour-là Nicolas Jounin portait un bonnet. Ce détail prouve une
description postérieure à son interpellation. »
« Est-ce qu’un commissaire de police désigne un manifestant au hasard parmi 150 personnes ? s’agace la procureure. Il aurait menti deux fois ? Si oui, il relève de la cour d’assises ». « Le commissaire vous a reconnu sur photo, qu’est-ce que vous en pensez ? » demande le président du tribunal à Nicolas Jounin. « C’est faux. » Sa version des faits est tout autre : une fois devant les boucliers des CRS, il a été « poussé par-derrière », jeté à terre, avant d’être rapidement interpellé.
Trois témoins se succèdent à la barre. « À aucun moment il n’y a eu de jets de projectiles, dit l’un. Notre idée ? Fuir les coups de matraque. » « Les forces de l’ordre nous ont gazés et matraqués sans que le moindre acte puisse justifier ça ! » assène un autre.
Mais la représentante du parquet requiert une « peine d’avertissement d’une particulière sévérité » :
huit mois de prison avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au
3 novembre prochain. Quant au procès d’un autre manifestant poursuivi,
le cheminot Nicolas P., il a été renvoyé au 5 janvier 2017.
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