La parole ne cesse de se libérer au
procès de Sidney Amiel. Cet ancien avocat de 68 ans comparait depuis
deux semaines devant la cour d'assises de Versailles pour des faits
de viol et d'agressions sexuelles. Et chaque jour des victimes, qui
se sont tues pendant des années et dont la plupart des dossiers sont
prescrits, racontent des violences sexuelles dont elles se
souviennent « comme si c'était hier ».
Andréa (prénom modifié) raconte quatre épisodes qui
ont émaillé son adolescence. Le premier a lieu sur une plage en
Israël, alors que son beau-père lui met de la crème solaire. « Il
s'est permis d'aller beaucoup plus bas, jusqu'à mes fesses. Je
n'avais pas besoin de crème sous mon maillot, mais c'est là qu'il
étalait. » Elle a treize ans. Plus tard, chez eux, elle fait
une crise d'asthme, il en profite pour coller sa tête sur sa
poitrine. Une autre fois, elle lui demande de l'argent de poche,
il lui répond « oui, mais en échange d'un câlin » « Il
me serre très fort et me met les mains sur les fesses. Puis il me
demande des bisous dans le cou 'comme il les aime' ».
Andréa parle à sa mère, qui ne la
croit pas, décide de partir vivre chez son père pendant un an.
Lorsqu'elle revient, Sidney Amiel lui « caresse » la
cuisse dans la voiture, elle arrive en pleurs à son cours de
musique. Quand la première plainte d'une cliente lance l'affaire
Amiel en juillet 2010, Andréa est rapidement entendue. Elle se
confie aux enquêteurs puis porte plainte, sa mère lui demande de la retirer. « Maman était manipulée, j'ai
retiré ma plainte. Puis je me suis dit 'Non, c'est mon combat' ».
A quelques mètres derrière elle, Sidney Amiel, imperturbable, prend
des notes comme il le fait depuis le début de son procès. « C'est
un avocat, un beau parleur, il me fait peur. Il m'a toujours dit que
lorsqu'on était accusé, il fallait nier les faits. Moi contre lui,
qu'est ce que je peux faire ? »
Andréa parle depuis environ une
demi-heure quand soudain son corps s'effondre, secoué de sanglots
silencieux. « Je n'ai pas tout dit en fait ». « Ça
ne concerne pas Sidney Amiel directement, mais ça s'est passé sous
son toit. » Comme depuis le début du procès, la présidente,
Sophie Clément, laisse avec beaucoup de délicatesse la parole se libérer, encourage d'un signe de tête, d'un regard. La voix brisée,
Andréa raconte deux « rapports forcés » quand elle
avait 12 ans, imposés par le fils de Sidney Amiel, alors âgé de 17
ans. « J'en veux à Sidney, c'est lui qui a instauré ce climat
où le sexe était présent tout le temps ».
- « Vous savez que ça ne concerne pas les faits dont cette cours est saisie, lui explique doucement la présidente, qui fait noter au procès-verbal de l'audience ces nouvelles révélations.- Oui, mais je voulais me libérer, dire la vérité. C'était important pour moi. Toutes les nuits je n'en dors pas, croyez-moi...- Avez-vous pensé à porter plainte ?- Oui, je le ferai peut-être. Déjà, c'est important pour moi de le sortir. »
Interrogé à la fin de l'audience,
Sidney Amiel conteste tous les faits. «Andréa n'a jamais accepté
mon mariage avec sa mère, dit-il. Elle s'arrangeait toujours pour
qu'il y ait des difficultés, elle me hait. » L'avocat se lance
ensuite dans un improbable cours d'application de la crème solaire :
« Si on ne l'applique pas bien, à la jointure entre la peau et
le maillot, il y a des cloques, donc je dépasse d'un centimètre ou
deux pour assurer une bonne couverture ». Les câlins ?
Les mêmes que ceux qu'il faisait à ses propres enfants. Même les
accusations portées contre son fils ne semblent pas ébranler le
calme de l'ancien avocat : « Je le connais bien , c'est
quelqu'un de respectueux. Je suis très étonné et triste ».
Le fils de Sidney Amiel sera entendu devant la cour d'assises ce
mardi après-midi. Lorsque son père a été mis en examen en 2010,
il aurait dit à la mère d'Andréa, alors sa belle-mère : « Il
faut que je me soigne sinon je vais finir comme lui ».
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