lundi 19 juin 2017

Au procès de Sidney Amiel : « Je voulais me libérer, dire la vérité »

La parole ne cesse de se libérer au procès de Sidney Amiel. Cet ancien avocat de 68 ans comparait depuis deux semaines devant la cour d'assises de Versailles pour des faits de viol et d'agressions sexuelles. Et chaque jour des victimes, qui se sont tues pendant des années et dont la plupart des dossiers sont prescrits, racontent des violences sexuelles dont elles se souviennent « comme si c'était hier ».

Cet après-midi, peu avant 17 heures, c'était au tour de l'ancienne belle-fille de Sidney Amiel de s'avancer vers la barre au milieu de la salle d'assises. « Je n'ai aucun intérêt à être ici, à part me libérer de cette histoire qui m'est arrivée dans mon adolescence », commence cette jeune fille brune de 27 ans. Elle avait onze ans et demi quand sa mère a décidé de se remarier avec le ténor du barreau de Chartres. « Au tout début, on était content de partir vivre chez Sidney. Maman avait l'air heureuse, on se disait 'Chouette, on va habiter dans cette grande maison' ». Mais ses relations avec son beau-père se dégradent rapidement. Problème d'autorité sur une adolescente difficile, se défend Sidney Amiel. « Comportement de pervers », tranche sa belle-fille. Il « traversait la maison nu », détaille t-elle, lui faisait des réflexions sur son physique, ses « formes naissantes », « je le vivais mal, comme une infidélité à ma mère ».

Andréa (prénom modifié) raconte quatre épisodes qui ont émaillé son adolescence. Le premier a lieu sur une plage en Israël, alors que son beau-père lui met de la crème solaire. « Il s'est permis d'aller beaucoup plus bas, jusqu'à mes fesses. Je n'avais pas besoin de crème sous mon maillot, mais c'est là qu'il étalait. » Elle a treize ans. Plus tard, chez eux, elle fait une crise d'asthme, il en profite pour coller sa tête sur sa poitrine. Une autre fois, elle lui demande de l'argent de poche, il lui répond « oui, mais en échange d'un câlin » « Il me serre très fort et me met les mains sur les fesses. Puis il me demande des bisous dans le cou 'comme il les aime' ».

Andréa parle à sa mère, qui ne la croit pas, décide de partir vivre chez son père pendant un an. Lorsqu'elle revient, Sidney Amiel lui « caresse » la cuisse dans la voiture, elle arrive en pleurs à son cours de musique. Quand la première plainte d'une cliente lance l'affaire Amiel en juillet 2010, Andréa est rapidement entendue. Elle se confie aux enquêteurs puis porte plainte, sa mère lui demande de la retirer. « Maman était manipulée, j'ai retiré ma plainte. Puis je me suis dit 'Non, c'est mon combat' ». A quelques mètres derrière elle, Sidney Amiel, imperturbable, prend des notes comme il le fait depuis le début de son procès. « C'est un avocat, un beau parleur, il me fait peur. Il m'a toujours dit que lorsqu'on était accusé, il fallait nier les faits. Moi contre lui, qu'est ce que je peux faire ? »

Andréa parle depuis environ une demi-heure quand soudain son corps s'effondre, secoué de sanglots silencieux. « Je n'ai pas tout dit en fait ». « Ça ne concerne pas Sidney Amiel directement, mais ça s'est passé sous son toit. » Comme depuis le début du procès, la présidente, Sophie Clément, laisse avec beaucoup de délicatesse la parole se libérer, encourage d'un signe de tête, d'un regard. La voix brisée, Andréa raconte deux « rapports forcés » quand elle avait 12 ans, imposés par le fils de Sidney Amiel, alors âgé de 17 ans. « J'en veux à Sidney, c'est lui qui a instauré ce climat où le sexe était présent tout le temps ».
- « Vous savez que ça ne concerne pas les faits dont cette cours est saisie, lui explique doucement la présidente, qui fait noter au procès-verbal de l'audience ces nouvelles révélations.
- Oui, mais je voulais me libérer, dire la vérité. C'était important pour moi. Toutes les nuits je n'en dors pas, croyez-moi...
- Avez-vous pensé à porter plainte ?
- Oui, je le ferai peut-être. Déjà, c'est important pour moi de le sortir. »

Interrogé à la fin de l'audience, Sidney Amiel conteste tous les faits. «Andréa n'a jamais accepté mon mariage avec sa mère, dit-il. Elle s'arrangeait toujours pour qu'il y ait des difficultés, elle me hait. » L'avocat se lance ensuite dans un improbable cours d'application de la crème solaire : « Si on ne l'applique pas bien, à la jointure entre la peau et le maillot, il y a des cloques, donc je dépasse d'un centimètre ou deux pour assurer une bonne couverture ». Les câlins ? Les mêmes que ceux qu'il faisait à ses propres enfants. Même les accusations portées contre son fils ne semblent pas ébranler le calme de l'ancien avocat : « Je le connais bien , c'est quelqu'un de respectueux. Je suis très étonné et triste ». Le fils de Sidney Amiel sera entendu devant la cour d'assises ce mardi après-midi. Lorsque son père a été mis en examen en 2010, il aurait dit à la mère d'Andréa, alors sa belle-mère : « Il faut que je me soigne sinon je vais finir comme lui ».


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