lundi 4 février 2019

Le procès Baupin, sans Denis Baupin


Elles ont un imperceptible mouvement des épaules. Pour se tenir bien droite. Faire front, la tête haute. Hier matin, en silence et l'air grave, huit femmes ayant dénoncé des harcèlements et agressions sexuelles de la part de l'ancien député Denis Baupin ont défilé devant la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Elles y comparaissent jusque vendredi pour diffamation, aux côtés de deux journalistes de Mediapart et de France Inter.

Le président a lu les passages incriminés, dans lesquels elles racontent, entre autre, des SMS « insistants, provocateurs et salaces », des « caresses sur la nuque » et, pour plusieurs d'entre elles, des agressions sexuelles. Après neuf mois d'enquête préliminaire, le parquet avait classé leurs plaintes sans suite, les faits étant, pour certains d'entre eux, « susceptibles d'être poursuivis pénalement », mais prescrits. Celui qui était vice-président de l'assemblée nationale lors de la divulgation des faits est désormais représenté par son avocat, Emmanuel Pierrat. Une absence « manifeste, visible et choquante » dénonce Me Antoine Comte. « La partie civile vient défendre son honneur sans être présente, attaque l'avocat de la conseillère régionale EELV Annie Lahmer. Est-ce conforme à un procès équitable ? C'est bancal. J'ai besoin d'une confrontation pour ma cliente ! » Pour Me Emmanuel Tordjman, avocat de Mediapart, la présence de Denis Baupin est « indispensable » dans ce « procès inhabituel » : « La partie civile mobilise une semaine d'audience, trois magistrats du siège, un procureur, une quinzaine d'avocats sans que l'on ne puisse jamais la questionner. Ce procès va être parole contre parole. Donc la parole de ces femmes contre celle de mon confrère ? » « Elles sont toutes venues comparaître au banc d'infamie, la moindre des choses c'est d'assumer », dénonce l'avocat de Sandrine Rousseau, Jean-Yves Moyart.

De l'autre côté de la barre, Emmanuel Pierrat, avocat de Denis Baupin, alterne la condescendance, l'outrance et les insultes. A Antoine Comte : « Être indigné quand on est avocat, je trouve ça toujours étonnant, je préfère qu'on s'en tienne au droit. » Au tribunal : « Je ne pense pas qu'il soit utile de faire venir M. Baupin, supporter les avanies, les injures qu'il subit depuis trois ans. Il a déjà répondu très longuement à la police. Nous avons prouvé que ce qu'elles disaient étaient mensongers et faux ! ». Au passage, l'avocat regrette qu'EELV soit « devenu un QG puritain », étrille l'« imagination qui fait des bulles » des deux journalistes de France Inter et de Mediapart, et traite cette dernière de « mormone en cheffe de cette tribu »...

Après une brève suspension d'audience, la tribunal rejette la demande des avocats la défense. Edwy Plenel est le premier entendu à la barre. « Cette affaire est la première affaire #metoo avant que metoo n'existe, commence le journaliste. Cela a permis que ces femmes qui n'avaient jamais parlé se libèrent. L'enjeu, d'intérêt public, était de briser l'omerta. Depuis, il y a eu une révolution mondiale avec l'affaire Wenstein. » Le directeur de la publication de Mediapart défend « le sérieux de l'enquête », qui a « respecté le contradictoire », le tout dans un « contexte déjà lourd » : « Je n'ai jamais connu ça en quarante ans de journalisme, le 8 avril, un mois avant notre article, je reçois une lettre de Me Pierrat me mettant en demeure de ne pas le publier ». Des pressions qui continuent après la publication de l'article, avec une demande de suppression « contraire à tout droit de la presse ». Avant de quitter l'audience pour rejoindre Mediapart où une perquisition est en cours (lire ci-dessous), Edwy Plenel dénonce l'absence « indigne » de Denis Baupin : « Il n'a pas le droit de se dérober sauf à être, comme il le fut avec ces femmes, un irresponsable. »

Le procès doit reprendre cet après-midi avec la suite de l'audition des prévenus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire