Certains y voient le début d'une
nouvelle ère, celle de la fin de l'impunité des crimes sexuels.
D'autres, au contraire, dénoncent déjà une « erreur
judiciaire ». Reconnus coupables du viol en réunion d'une
touriste canadienne en avril 2014, deux policiers de la BRI ont été
condamnés ce soir à sept ans d'emprisonnement par la cour d'assises
de Paris. Menottés à l'issue de l'audience, Nicolas R. et Antoine
Q. dormiront ce soir en prison. A l'énoncé du verdict, le premier
est resté assis sans bouger, comme sonné, tandis que le deuxième
sanglotait. A quelques mètres d'eux, sur le banc de la partie
civile, Emily S. reconnue victime pour la première fois, pleurait
silencieusement.
- les « déclarations constantes de la jeune femme », « les imprécisions parfois formulées par Emily S., que suffit à expliquer son état d’imprégnation alcoolique, n’entâchant en rien la valeur de ces déclaration »,
- les témoins de cette nuit du 22 au 23 avril 2014, décrivant une femme « joyeuse » lors de son entrée dans les locaux du 36 et « en état de choc » à sa sortie, demandant immédiatement à visionner les caméras de vidéosurveillance,
- les résultats des analyses ADN,
- les résultats de la téléphonie et de l'expertise des téléphones portables,
- les enregistrements réalisés dans le pub le Galway avant les faits.
Pour la cour, « il
résulte de l’ensemble de ces éléments que les deux accusés ont
eu avec la partie civile des relations sexuelles non pas comme ils
l’ont prétendu au fil de leurs dépositions évolutives,
fantaisistes et peu crédibles dans son bureau pour l’un et dans
une voiture pour l’autre, mais bien au sein de leurs locaux et en
réunion ainsi que la partie civile, qui n’y a pas consenti, l’a
rapporté. (...) La Cour, loin de s’appuyer sur le seul témoignage
de la partie civile a été convaincue par l’ensemble de ces
éléments scientifiques et techniques qui la conduisent à retenir
avec certitude la présentation ainsi “objectivée” des faits
dénoncés. »
Pour la peine
infligée aux deux policiers, le jury a suivi les réquisitions de
l'avocat général. Le président a dénoncé des « faits d'une
toute particulière gravité s’agissant de faits de viols commis en
réunion à l’encontre d’une jeune femme sous l’emprise de
l’alcool ». Il a aussi té tenu compte du « lieu de
commission des faits et des fonctions exercées par les deux accusés
qui renforcent cette gravité ». Pour justifier les sept années
de prison prononcés sur les vingt encourus, ont été pris en compte
« leur capacité de réinsertion et leur absence de dangerosité ».
A la sortie de l'audience, les
avocats de la partie civile ont salué une « décision juste ».
Emily S. est « très émue et soulagée » a déclaré son
avocate Me Sophie Obadia : « La cour a considéré
qu'Emily S. n'avait pas menti. Elle a fondé sa décision sur des
éléments objectifs de ce dossier, qui ne sont pas la parole d'une
personne contre la parole des accusés ». Les avocats des
policiers ont immédiatement annoncé leur intention d'interjeter
appel de ce verdict « dès demain matin ». Ils
effectueront également une demande de remise en liberté des deux
policiers. « C'est une erreur judiciaire, a dénoncé Me
Anne-Laure Compoint, avocate d'Antoine Q. Je ne sais pas ce qui a
fait basculer les jurés, en revanche je sais que c'est une justice
partiale. » Pour Me Schapira, avocat de Nicolas R., « ces
deux innocents n'ont pas leur place en prison ».
Jusqu'à la dernière minute de
ce procès hors norme qui aura duré trois semaines, les versions de
la partie civile et des policiers ont été « irréconciliables »,
comme l'avait constaté l'avocat général, Philippe Courroye. Ce
matin, avant que le jury ne parte délibérer, les deux accusés
avaient de nouveau clamé leur innocence. « Je reconnais en
tant que policier que je n'aurais jamais dû amener Emily S. dans les
locaux de la BRI. Je n'ai jamais jamais jamais agressé, violenté ou
violé Emily S.», avait soufflé Nicolas R., en pleurs avant de
répéter à trois reprises, la voix entrecoupée de sanglots :
« Je ne suis pas un violeur ». « Mon fils qui m'a
dit ce matin: 'Rentre pas tard ce soir', a enchaîné Antoine Q. J'ai
peut-être été infidèle mais je n'ai jamais violé une femme. Je
n'ai jamais violé cette femme.. »
La cour ne les a pas entendu.
Comme nous l'avons fait tout au long de ce procès, nous continuons d'anonymiser les noms des policiers et de la partie civile, en vertu du droit à l'oubli pour les victimes comme pour les condamnés.
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