vendredi 25 janvier 2019

Les « flous » de Sébastien C.

Il vient, dit-il, de passer cinq années terribles. « Cette affaire est une merde, monsieur le président. J'ai perdu mon travail, je suis marqué au fer rouge. Maintenant, je suis traumatisé, quand je monte dans un ascenseur seul avec une femme, j'ai peur. » Policier à la brigade de recherche et d'intervention (BRI), Sébastien C. a longuement été entendu par la cour d'assises de Paris qui juge jusqu'au 1er février deux policiers de cette brigade, accusés du viol en réunion d'une touriste canadienne en avril 2014 au 36, quai des Orfèvres Un temps suspecté d'être le troisième homme de ce viol, Sébastien C. a été placé en garde à vue puis sous le statut de témoin assisté, sans être mis en examen. Suspendu un an et demi de ses fonctions, il a aujourd'hui retrouvé son poste au siège de la police judiciaire.

Cette nuit là, il entre dans les locaux du 36 quai des Orfèvres à 1h09, pour y récupérer des « effets personnels » après une soirée passée avec ses collègues au Galway, un pub irlandais face au siège de la police judiciaire. « J'ai vu une personne étrangère au service sortir d'un bureau, dit-il. Elle était dénudée et euphorique. Elle faisait la fofolle, la belle, elle ne semblait pas avoir subi quoique ce soit comme violence. » Ce serait ensuite le départ de son collègue Nicolas R., aujourd'hui sur le banc des accusés, qui aurait fait « basculer la situation » : « elle parlait du vol de son blouson. Il était compliqué de la calmer. Une fois sorti des locaux, c'était une plainte pour viol et plus pour vol ». Puis : « Je n'ai jamais cru à ses déclarations, je n'y crois pas encore aujourd'hui. C'est une menteuse. Ce policier qui a laissé son sperme cette nuit là dans la culotte de Mme S., soit il est parti en hélicoptère, soit c'est un fantôme, le fantôme du 36 quai des Orfèvres. »

Un peu court pour le président de la cour d'assises et l'avocat général qui relèvent de nombreux éléments troublants. D'abord, un texto, envoyé par Nicolas R. à Sébastien C. à 1h04 : « c'est une touzeuse, dépêche ! ». « Je reçois un message, je ne suis pas responsable de ce message, se défend le policier à la barre. Si j'avais été intéressé, je me serais manifesté ».
  • L'avocat général : « Le fait est qu'on vous voit rappliquer quelques minutes plus tard...
  • Dans ce dossier, tout le monde fantasme des choses machiavéliques. La vérité n'intéresse personne ! 
  • Vous ne parlez de ce texto qu'à votre sixième audition, le 8 octobre, poursuit le représentant du ministère public. Je suis étonné que vous attendiez ce moment pour parler d'un élément aussi important, dans une affaire où des gens sont mis en examen pour viol.
  • Je n'ai rien voulu cacher, j'aurais pu supprimer ce SMS. »
Un autre texto le met en difficulté, celui envoyé par l'un de ses collègues, le lendemain : « Nico, Antoine et gamin (le surnom de Sébastien C., NDLR) ont monté une gonzesse pour la fourrer ». « C'est un raccourci fondé sur aucune réalité, répond le policier. Ce que je peux vous dire, monsieur le président, c'est que je n'ai baisé personne ce soir là ».

Autre problème : la vidéo enregistrée à 1h16 sur son téléphone, puis effacée. « J'ai découvert le déclenchement de mon téléphone lors de l'instruction. Je n'ai aucun souvenir de ce qui a été filmé, ni d'avoir effacé. Il s'agit peut être d'un déclenchement intempestif. »

Le policier est resté cinquante minutes dans les bureaux de la BRI cette nuit-là, mais à la barre, il peine à se rappeler comment il a occupé ce temps : « J'ai parlé avec elle, essayé de la calmer, de la rassurer, finalement une heure, ça passe vite ». « Comment se fait-il que vous vous rappeliez de si peu de choses ? » lui demande le président. « Je ne me souviens pas de ce que j'ai fait il y a cinq ans, c'est des détails qui avaient peu d'importance à ce moment là. » « Cinquante minutes, c'est long », relève l'avocat général, Philippe Courroye. Je suis extrêmement étonné de l'imprécision de vos souvenirs. J'ai du mal à penser que vous n'ayez pas, durant les cinq dernières années, recomposez tous les détails de cette nuit là... On a quand même l'impression que vous entretenez le flou... »
Dans l'après-midi, Emily S. a de nouveau raconté les viols qu'elle dénonce. Deux fellations et plusieurs pénétrations vaginales, « plaquée contre un bureau ». « Je ne sais pas si Sébastien C. était présent, a t-elle dit. Ils étaient derrière moi et à part les fellations où je ne voyais qu'une partie d'eux, je ne les ai pas vus de face. » Emily S. a, en revanche, de nouveau formellement reconnus les deux policiers accusés. « Je vous le redemande solennellement, lui a dit l'avocat général. Ces deux hommes encourent vingt ans de prison. Vous maintenez vos accusations ? » « Oui, j'ai été violée par ces deux hommes, répond Emily S. en montrant les deux accusés du doigt. Moi, je suis enfermée depuis ce soir là. »

Marie Barbier

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