Il vient, dit-il, de passer cinq années
terribles. « Cette affaire est une merde, monsieur le
président. J'ai perdu mon travail, je suis marqué au fer rouge.
Maintenant, je suis traumatisé, quand je monte dans un ascenseur
seul avec une femme, j'ai peur. » Policier à la brigade de
recherche et d'intervention (BRI), Sébastien C. a longuement été
entendu par la cour d'assises de Paris qui juge jusqu'au 1er février
deux policiers de cette brigade, accusés du viol en réunion d'une
touriste canadienne en avril 2014 au 36, quai des Orfèvres Un temps
suspecté d'être le troisième homme de ce viol, Sébastien C. a été
placé en garde à vue puis sous le statut de témoin assisté, sans
être mis en examen. Suspendu un an et demi de ses fonctions, il a
aujourd'hui retrouvé son poste au siège de la police judiciaire.
Un peu court pour le président de la
cour d'assises et l'avocat général qui relèvent de nombreux
éléments troublants. D'abord, un texto, envoyé par Nicolas R. à
Sébastien C. à 1h04 : « c'est une touzeuse, dépêche ! ».
« Je reçois un message, je ne suis pas responsable de ce
message, se défend le policier à la barre. Si j'avais été
intéressé, je me serais manifesté ».
- L'avocat général : « Le fait est qu'on vous voit rappliquer quelques minutes plus tard...
- Dans ce dossier, tout le monde fantasme des choses machiavéliques. La vérité n'intéresse personne !
- Vous ne parlez de ce texto qu'à votre sixième audition, le 8 octobre, poursuit le représentant du ministère public. Je suis étonné que vous attendiez ce moment pour parler d'un élément aussi important, dans une affaire où des gens sont mis en examen pour viol.
- Je n'ai rien voulu cacher, j'aurais pu supprimer ce SMS. »
Un autre texto le met en difficulté,
celui envoyé par l'un de ses collègues, le lendemain : « Nico,
Antoine et gamin (le surnom de Sébastien C., NDLR) ont monté une
gonzesse pour la fourrer ». « C'est un raccourci fondé
sur aucune réalité, répond le policier. Ce que je peux vous dire,
monsieur le président, c'est que je n'ai baisé personne ce soir
là ».
Autre problème : la vidéo
enregistrée à 1h16 sur son téléphone, puis effacée. « J'ai
découvert le déclenchement de mon téléphone lors de
l'instruction. Je n'ai aucun souvenir de ce qui a été filmé, ni
d'avoir effacé. Il s'agit peut être d'un déclenchement
intempestif. »
Le policier est resté cinquante
minutes dans les bureaux de la BRI cette nuit-là, mais à la barre,
il peine à se rappeler comment il a occupé ce temps : « J'ai
parlé avec elle, essayé de la calmer, de la rassurer, finalement
une heure, ça passe vite ». « Comment se fait-il que
vous vous rappeliez de si peu de choses ? » lui demande le
président. « Je ne me souviens pas de ce que j'ai fait il y a
cinq ans, c'est des détails qui avaient peu d'importance à ce
moment là. » « Cinquante minutes, c'est long »,
relève l'avocat général, Philippe Courroye. Je suis extrêmement
étonné de l'imprécision de vos souvenirs. J'ai du mal à penser
que vous n'ayez pas, durant les cinq dernières années, recomposez
tous les détails de cette nuit là... On a quand même l'impression
que vous entretenez le flou... »
Dans l'après-midi, Emily S. a de
nouveau raconté les viols qu'elle dénonce. Deux fellations et
plusieurs pénétrations vaginales, « plaquée contre un
bureau ». « Je ne sais pas si Sébastien C. était
présent, a t-elle dit. Ils étaient derrière moi et à part les
fellations où je ne voyais qu'une partie d'eux, je ne les ai pas vus
de face. » Emily S. a, en revanche, de nouveau formellement
reconnus les deux policiers accusés. « Je vous le redemande
solennellement, lui a dit l'avocat général. Ces deux hommes
encourent vingt ans de prison. Vous maintenez vos accusations ? »
« Oui, j'ai été violée par ces deux hommes, répond Emily S.
en montrant les deux accusés du doigt. Moi, je suis enfermée depuis
ce soir là. »
Marie Barbier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire