Le
délibéré dans l’affaire Baupin sera-t-il à la hauteur du procès
retentissant qui s’est tenu en février devant le tribunal de Paris ?
La 17e chambre rend ce vendredi, en début d’après-midi, son
jugement à l’encontre des douze prévenus – six femmes, deux hommes témoins, deux journalistes, deux
médias – poursuivis pour diffamation par l’ancien élu écologiste. Du 5 au
8 février, ce premier procès de l’ère #MeToo avait, dans un incroyable
retournement, consacré la parole des femmes victimes de violences sexuelles.
Rappel
des faits : en mai 2016, Mediapart et France Inter publient une
série d’articles révélant des harcèlements et agressions sexuels commis par
celui qui est alors vice-président de l’Assemblée nationale, Denis Baupin. Ce
dernier annonce son intention de porter plainte pour diffamation. N’ayant pas
choisi la citation directe, dans laquelle seuls les journalistes Lénaïg Bredoux
et Cyril Graziani auraient été poursuivis, mais une constitution de partie
civile, ce sont toutes les femmes concernées par les passages incriminés qui
sont automatiquement renvoyées sur le banc des prévenus. Entre-temps, le
parquet de Paris décide de classer sans suite les quatre plaintes déposées, les
faits étant « susceptibles d’être qualifiés pénalement », mais prescrits.
Privées
de procès, les victimes se sont saisies de celui que leur infligeait Denis
Baupin pour raconter à la barre les harcèlements et agressions sexuelles qu’elles
avaient subis. « Cette audience est déjà une immense victoire, analyse
Claire Moléon, l’avocate de l’ex-députée Isabelle Attard. Ensuite, nous
espérons que la décision du tribunal sera à la hauteur de la parole de ces
femmes. »
Le
jugement rendu par la 17e chambre portera sur deux points.
Tout
d’abord, ces femmes et ces journalistes sont-ils coupables de diffamation ou
ont-ils fait preuve de « bonne foi » dans les articles incriminés ? À
l’audience, la procureure Florence Gilbert avait requis la relaxe et
conclu son réquisitoire en saluant « la seule qualité de ce procès » :
« Mettre en exergue une impérieuse lutte contre le silence autour des violences
sexuelles. » Si les prévenus étaient en effet relaxés des faits
reprochés, Denis Baupin serait alors débouté de ses demandes d’indemnités. Son
avocat Me Emmanuel Pierrat n’en avait rien dit à l’audience, mais l’ancien élu
a demandé 50 000 euros de dommages et intérêts à payer solidairement.
Autre
enjeu de ce jugement : Denis Baupin sera-t-il condamné pour procédure abusive,
comme l’ont demandé les avocats des victimes/prévenues ? « Ces femmes ont eu
des frais de justice, ont dû assister au procès, sans compter les mises en
examen, les convocations chez le juge… énumère Me Jean-Yves Moyart, avocat de
Sandrine Rousseau. Tout cela est très abusif et d’une légèreté sans pareil,
Baupin doit être sanctionné. » Ses victimes ont demandé chacune environ
10 000 euros de dommages et intérêts.
Si
le tribunal décidait effectivement de condamner Denis Baupin, ce jugement
pourrait faire jurisprudence pour ces procédures en diffamation, dites
« bâillons », utilisées par les agresseurs pour intimider
leurs victimes. « Ce que l’on espère, poursuit Me Moyart, c’est qu’ils
hésitent désormais à traîner leurs victimes devant la justice. » Pour Claire
Moléon, « en tant qu’auteur des faits, Baupin était bien placé pour savoir que
ces femmes étaient de bonne foi. Une condamnation pour procédure abusive serait
à la hauteur des enjeux. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire