Ce sont quatre « très jeunes hommes », tout juste majeurs, qui se tiennent à la barre. L’air de ne pas trop savoir ce qu’ils font là. Le 25 mars dernier, ils étaient « par hasard », jurent-ils, devant le Auchan de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où un Rom a été lynché par une « soixantaine de personnes cagouleés et armées de pelles et de bâtons ». « Je rentrais du travail, j’ai vu un groupe de personnes, par curiosité, j’ai décidé d’aller voir », explique d’une petite voix Yahya S. Cheveux mi-longs gominés, il est le plus grand des quatre, qui se tiennent par ordre de taille devant la juge de la 18e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny ce mercredi après-midi. C’est aussi celui qui risque le plus : poursuivi pour avoir « commis des violences en raison de la prétendue race », il encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. « Vous le voyez devant vous, est-ce qu’il a l’air de quelqu’un qui attaque un Roumain ?» tente son avocate Dyhia Chegra. Mais les policiers sont formels : ils l’ont vu, une pierre dans la main, «rouer de coups de pied un homme au sol».
Le 25 mars dernier, à Clichy-sous-Bois, une réunion tente d’éteindre la folle rumeur qui court depuis quelques jours : non, les Roms n’enlèvent pas des enfants dans des camionnettes blanches. Mais à l’issue de ce rassemblement, dans une réaction « complètement aberrante et irrationnelle », relève la procureure, un groupe se dirige vers une maison squattée par des familles roms, près du Auchan. S’ensuit alors une scène d’horreur, racontée à l’audience par les policiers. « Nous arrivons sur place vers 20 heures, explique un officier de la BAC 93. On voit une femme au milieu de la chaussée qui appelle à l’aide. Une soixantaine d’individus s’acharnaient sur une personne au sol, à coups de pelle, de bâton… J’ai lancé une grenade de désencerclement et la victime a réussi à s’exfiltrer et à se réfugier derrière nous, ses vêtements étaient déchirés et ensanglantés, il était apeuré. Les gens sont revenus vers nous en criant “on va s’en faire un”. Il y avait plein d’enfants roms qui criaient et pleuraient. » Une scène digne des « règlements de compte moyenâgeux avec une horde de personnes en furie, cagoulées, armées de pelles et de pioches », pour l’avocate de l’un des policiers, partie civile.
« Ils voulaient en découdre, raconte un autre policier. J’ai vu mon chef essayer de retenir un homme. Je lui ai dit : “Laisse-le partir, ils sont trop nombreux !”. Mais il ne pouvait pas. » Le chef s’est menotté à l’homme qu’il veut interpeller, Yahia S., pour « éviter qu’il ne s’échappe ». Une procédure « rarissime », note la présidente du tribunal, Eva Lima, qui se tourne vers le prévenu. : « La scène devait être assez terrible pour qu’un fonctionnaire de police contrevienne à tous les règlements pour s’attacher à vous…
- Moi aussi j’ai eu mal au poignet, les gens me tiraient, je leur avais rien demandé. C’était le chaos.
- Mais vous étiez dans le chaos ou en dehors du chaos ?
- J’étais près de la maison…
- Donc c’est une hystérie collective des policiers qui voient des lynchages ?
- Moi, je n’ai pas lynché… »
Marwen C., 18 ans, est, lui, poursuivi pour avoir lancé son chien, « de type molossoïde », sur les hommes, femmes et enfants roms en criant « Vas-y, attaque ! ». Contrairement à ses coprévenus qui « découvrent tout ça », il a un casier long comme un jour sans pain. En jogging, gros collier en argent, il croise ses bras devant sa poitrine rebondie et baille allégrement. « J’étais en train de promener mon chien, j’ai vu des gens courir, mon chien n’était pas attaché, il leur a couru derrière, mais pas pour les attaquer. »
Pour la procureure, qui requiert de quatre à dix mois de prison avec mandat de dépôt, « ni la peur ni la bêtise ne justifient de faire ce qu’ont fait ces personnes en se dirigeant vers le premier squat rom venu ». Avocate de trois des prévenus, Dyhia Chegra dénonce un dossier vide, reposant uniquement sur les déclarations des policiers : « Vous n’avez rien, lance-t-elle au tribunal. La victime n’a pas été entendue, ni les témoins. Il faut des éléments matériels pour condamner quelqu’un à des peines aussi lourdes. » Le tribunal ne l’écoutera pas : Yahya S. écope de dix mois ferme sans mandat de dépôt, Samir B., accusé de s’être opposé aux forces de l’ordre, de huit mois avec sursis. Seul Abdelsamed M. sera relaxé, faute d’éléments suffisants. Marwen C., condamné à six mois ferme avec mandat de dépôt, part immédiatement pour Fleury-Mérogis.
Absents à l’audience, les Roms ont tout laissé derrière eux et n’ont jamais remis les pieds à Clichy.
Le 25 mars dernier, à Clichy-sous-Bois, une réunion tente d’éteindre la folle rumeur qui court depuis quelques jours : non, les Roms n’enlèvent pas des enfants dans des camionnettes blanches. Mais à l’issue de ce rassemblement, dans une réaction « complètement aberrante et irrationnelle », relève la procureure, un groupe se dirige vers une maison squattée par des familles roms, près du Auchan. S’ensuit alors une scène d’horreur, racontée à l’audience par les policiers. « Nous arrivons sur place vers 20 heures, explique un officier de la BAC 93. On voit une femme au milieu de la chaussée qui appelle à l’aide. Une soixantaine d’individus s’acharnaient sur une personne au sol, à coups de pelle, de bâton… J’ai lancé une grenade de désencerclement et la victime a réussi à s’exfiltrer et à se réfugier derrière nous, ses vêtements étaient déchirés et ensanglantés, il était apeuré. Les gens sont revenus vers nous en criant “on va s’en faire un”. Il y avait plein d’enfants roms qui criaient et pleuraient. » Une scène digne des « règlements de compte moyenâgeux avec une horde de personnes en furie, cagoulées, armées de pelles et de pioches », pour l’avocate de l’un des policiers, partie civile.
« Ils voulaient en découdre, raconte un autre policier. J’ai vu mon chef essayer de retenir un homme. Je lui ai dit : “Laisse-le partir, ils sont trop nombreux !”. Mais il ne pouvait pas. » Le chef s’est menotté à l’homme qu’il veut interpeller, Yahia S., pour « éviter qu’il ne s’échappe ». Une procédure « rarissime », note la présidente du tribunal, Eva Lima, qui se tourne vers le prévenu. : « La scène devait être assez terrible pour qu’un fonctionnaire de police contrevienne à tous les règlements pour s’attacher à vous…
- Moi aussi j’ai eu mal au poignet, les gens me tiraient, je leur avais rien demandé. C’était le chaos.
- Mais vous étiez dans le chaos ou en dehors du chaos ?
- J’étais près de la maison…
- Donc c’est une hystérie collective des policiers qui voient des lynchages ?
- Moi, je n’ai pas lynché… »
Marwen C., 18 ans, est, lui, poursuivi pour avoir lancé son chien, « de type molossoïde », sur les hommes, femmes et enfants roms en criant « Vas-y, attaque ! ». Contrairement à ses coprévenus qui « découvrent tout ça », il a un casier long comme un jour sans pain. En jogging, gros collier en argent, il croise ses bras devant sa poitrine rebondie et baille allégrement. « J’étais en train de promener mon chien, j’ai vu des gens courir, mon chien n’était pas attaché, il leur a couru derrière, mais pas pour les attaquer. »
Pour la procureure, qui requiert de quatre à dix mois de prison avec mandat de dépôt, « ni la peur ni la bêtise ne justifient de faire ce qu’ont fait ces personnes en se dirigeant vers le premier squat rom venu ». Avocate de trois des prévenus, Dyhia Chegra dénonce un dossier vide, reposant uniquement sur les déclarations des policiers : « Vous n’avez rien, lance-t-elle au tribunal. La victime n’a pas été entendue, ni les témoins. Il faut des éléments matériels pour condamner quelqu’un à des peines aussi lourdes. » Le tribunal ne l’écoutera pas : Yahya S. écope de dix mois ferme sans mandat de dépôt, Samir B., accusé de s’être opposé aux forces de l’ordre, de huit mois avec sursis. Seul Abdelsamed M. sera relaxé, faute d’éléments suffisants. Marwen C., condamné à six mois ferme avec mandat de dépôt, part immédiatement pour Fleury-Mérogis.
Absents à l’audience, les Roms ont tout laissé derrière eux et n’ont jamais remis les pieds à Clichy.
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