mercredi 24 septembre 2014

Xavier Dor, récidiviste 
de l’anti-avortement

Ses mains, parcourues de veines saillantes, accrochent la barre comme un déambulateur. La peau est pâle, le cheveu blanc et rare. Yeux mi-clos, il tend le menton en avant comme pour mieux saisir les mots qui lui échappent. Xavier Dor est assurément un vieil homme. Il n’en est pas moins dangereux. À quatre-vingt-cinq ans, ce pédiatre retraité comparaissait lundi devant la cour d’appel de Paris pour délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En récidive : l’homme cumule plus d’une dizaine de condamnations depuis vingt ans. « Sous la bonhomie d’un vieux monsieur, il y a un délinquant multirécidiviste, prévient Me Claude Katz, avocat du Planning familial. Il recommencera, ne vous y trompez pas. »

Condamné à 10 000 euros d’amende en 2013 pour s’être introduit à deux reprises dans les locaux du Planning familial à Paris, Xavier Dor avait fait appel du jugement.

– « Reconnaissez-vous les faits ? » l’interroge la présidente de la cour d’appel de Paris.

– « Oui, tout à fait », répond Xavier Dor, sourire aux lèvres. Le vieil homme s’est redressé. La voix est forte et assurée. Il raconte comment, le 25 juin 2012, il s’est introduit « avec un ami » dans les locaux de l’association, rue Vivienne. Après avoir tenté de prier dans la salle d’attente, les deux hommes sont rapidement mis à la porte par la police appelée en renfort. Le lendemain, Xavier Dor y retourne seul, il croise une femme dans l’escalier : « J’ai toujours des médailles miraculeuses sur moi et j’avais pris spécialement pour l’occasion des chaussons de bébé. Je lui ai dit “est-ce que vous accepteriez de les prendre?”, elle m’a répondu “oui, bien sûr” .»

L’avocat général :

– « Vous l’avez un peu bousculée quand même ? »

– « C’est pour la bonne cause, pour la défense de son propre enfant. »

– « Mais vous ignorez tout de sa situation ! C’est peut-être une femme en détresse… »

– « On ne fait pas du terrorisme avec des chaussons, répond, mielleux, Xavier Dor. C’est une douce violence. »

Appelée à la barre, le témoignage de cette femme dit tout le contraire. Brune aux yeux en amande, la quarantaine élégante, elle se souvient parfaitement du jour de cette rencontre. « C’est un acte extrêmement violent. J’étais enceinte et je ne pouvais pas garder cet enfant. » Claude Kartz, avocat du Planning : « Qu’avez-vous ressenti quand il vous a donné des chaussons de bébé ? » Silence, les épaules s’affaissent. Elle retourne s’asseoir en larmes.

Xavier Dor méprise cette souffrance : « Je ne vois pas le mal que nous faisons. Je continuerai jusqu’à ma mort et même au-delà. » L’homme revendique plus de cent intrusions dans des hôpitaux. Sur les bancs du public, ses soutiens jubilent. Et ordonnent sèchement aux militantes féministes présentes de se taire. Car maintenant qu’il a la parole, Xavier Dor ne la lâche plus. « La guerre faite à l’enfant au nom des droits de la femme est terrifiante, assène-t-il. Aujourd’hui, on tue plus de 600 enfants par jour, auxquels il faut ajouter les morts de la contraception hormonale et du stérilet. Le nombre de petites victimes s’élève à plusieurs milliards ». Et son avocat, Rosny Minvielle de Guilhem de Lataillade, quatre-vingt-six ans, de plaider le « droit d’expression » et la tentative « d’empêcher un génocide »…

Ces deux vieillards qui profèrent des insanités pourraient être risibles s’il n’y avait la souffrance de cette femme venue témoigner. S’il n’y avait, aussi, ces trois jeunes filles assises au premier rang. Elles ont à peine dix-sept ans, en jean et ballerines, et sont pendues aux paroles extrémistes. Sans s’en rendre compte, elles prononcent parfois à voix haute les mêmes mots que Xavier Dor, dont elles connaissent visiblement le discours par cœur. « Le 5 octobre, elles seront sûrement dans la rue, soupire, en marge de l’audience, Maya Surduts, militante historique pour les droits des femmes, en référence au prochain rassemblement organisé par la Manif pour tous. Ça va être terrifiant, ils sont vraiment à l’offensive. »

L’avocat général a requis la confirmation de la condamnation à 10 000 euros d’amende. La décision a été mise en délibéré au 27 octobre.

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