Une démesure de moyens policiers pour courser des gamins innocents apeurés. C’est sans doute ce que l’on retiendra de l’intervention des forces de l’ordre le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-bois. Quatorze fonctionnaires de police (en civil et en uniforme), cinq voitures (banalisées et sérigraphiées), à la poursuite de dix ados de quatorze à dix-sept ans soupçonnés (à tort) de s’être introduit sur un chantier. Bilan : deux morts.
Cette course-poursuite de cinquante minutes éclaire de façon dramatique les rapports entre jeunes et police dans les banlieues. Tout commence par un appel téléphonique au commissariat de Livry-Gargan, peu après 17 heures. Un agent du funérarium assure avoir vu «un groupe de plusieurs jeunes» s’introduire sur un chantier. «Je me doutais qu’ils faisaient quelque chose de louche», dit-il. Terrible suspicion contre ceux qui n’ont d’autre tort que d’être noirs ou arabes, jeunes et en bande… La suite prouvera qu’ils ne se sont pas introduits sur le chantier, mais sont simplement passés devant en revenant d’un match de foot. Plus tard, l’agent du funérarium dira aux policiers : «Je suis écœuré par ce qui s’est passé, je me sens responsable.»
Trop tard, la machine est lancée. Dans les minutes qui suivent l’appel, la brigade anti-criminalité (BAC), dépêchée sur les lieux, interpelle celui que les policiers identifient comme le «guetteur». Les autres se mettent à courir. Ils ne sont malheureusement pas à la barre pour témoigner, le président du tribunal lit leurs dépositions. «Pourquoi fuir devant la police si vous n’avez rien fait ? Par peur. A chaque fois que vous voyez un policier vous courez ? Oui.» Un autre : «Je savais que si je me faisais attraper je finirais en garde à vue, je n’avais pas ma carte d’identité. A chaque fois c’est comme ça. C’était le ramadan j’avais faim. Et en plus, on venait de jouer au foot, j’étais assoiffé.» Encore un autre : «J’ai couru parce que j’ai vu les autres courir.»
Encore aujourd’hui, Muhitin Altun, seul survivant du site EDF, a du mal à expliquer cette course. «L’heure approchait (de la rupture du jeûne, NDLR), on a vu que la police arrivait, on a commencé à courir. Je sais pas… ça s’est passé d’un coup. Je ne savais pas ce que je faisais parce que j’avais très peur.» Il dit aussi : «Je ne voulais pas me faire tabasser.» Et tout à coup, un gouffre se creuse entre le jeune des cités et le président du tribunal. Ce dernier lance d’un ton pontifiant : « Savez-vous comment ça s’est passé pour les autres? Personne n’a été passé à tabac ce soir-là au commissariat de Livry.» Silence de Muhutin.
La fuite en avant est aussi celle des policiers, lancés dans une course poursuite effrénée qu’ils ne tenteront d’arrêter à aucun moment, même lorsqu’ils perçoivent le danger. A 17h33, Sébastien Gaillemin, aujourd’hui sur le banc des prévenus pour «non assistance à personne en danger», est l’auteur de ces deux terribles phrases lancées sur les ondes : «Les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF.» Puis, vingt-cinq secondes plus tard : «En même temps s’ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau.»
Interrogés à la barre sur cette dernière phrase prémonitoire, les deux prévenus se sont effondrés hier midi. D’abord, Sébastien Gaillemin qui, pour la première fois, a montré un semblant de regret : «C’était une expression maladroite. J’en suis désolé.» Il pleure ensuite sur le banc des prévenus pendant que son ancienne collègue Stéphanie Klein sanglote à la barre. A plusieurs reprise, le président demande aux prévenus s’ils avaient conscience que les jeunes étaient entrés sur le site. «Non», répondent-il à chaque fois. Sébastien Gaillemin rappelle qu’il est monté sur une poubelle, puis sur une armoire électrique pour regarder dans le site mais «rien n’attire mon attention». «Une fois que j’ai effectué mes vérifications visuelles, pour moi il n’y avait plus aucun doute.». Il est 17h43, les équipes de police quitte les lieux. 28 minutes plus tard, Zyed et Bouna mourront électrocutés.
Étonnant procès où ce sont les prévenus qui craquent et pas les familles des deux enfants morts. «Nous ne méprisons nullement l’émotion des fonctionnaires de police, précise Jean-Pierre Mignard, avocat des parties civiles. Mais nous voulons simplement dire que les familles, elles, pleurent depuis dix ans.»
Cette course-poursuite de cinquante minutes éclaire de façon dramatique les rapports entre jeunes et police dans les banlieues. Tout commence par un appel téléphonique au commissariat de Livry-Gargan, peu après 17 heures. Un agent du funérarium assure avoir vu «un groupe de plusieurs jeunes» s’introduire sur un chantier. «Je me doutais qu’ils faisaient quelque chose de louche», dit-il. Terrible suspicion contre ceux qui n’ont d’autre tort que d’être noirs ou arabes, jeunes et en bande… La suite prouvera qu’ils ne se sont pas introduits sur le chantier, mais sont simplement passés devant en revenant d’un match de foot. Plus tard, l’agent du funérarium dira aux policiers : «Je suis écœuré par ce qui s’est passé, je me sens responsable.»
Trop tard, la machine est lancée. Dans les minutes qui suivent l’appel, la brigade anti-criminalité (BAC), dépêchée sur les lieux, interpelle celui que les policiers identifient comme le «guetteur». Les autres se mettent à courir. Ils ne sont malheureusement pas à la barre pour témoigner, le président du tribunal lit leurs dépositions. «Pourquoi fuir devant la police si vous n’avez rien fait ? Par peur. A chaque fois que vous voyez un policier vous courez ? Oui.» Un autre : «Je savais que si je me faisais attraper je finirais en garde à vue, je n’avais pas ma carte d’identité. A chaque fois c’est comme ça. C’était le ramadan j’avais faim. Et en plus, on venait de jouer au foot, j’étais assoiffé.» Encore un autre : «J’ai couru parce que j’ai vu les autres courir.»
Encore aujourd’hui, Muhitin Altun, seul survivant du site EDF, a du mal à expliquer cette course. «L’heure approchait (de la rupture du jeûne, NDLR), on a vu que la police arrivait, on a commencé à courir. Je sais pas… ça s’est passé d’un coup. Je ne savais pas ce que je faisais parce que j’avais très peur.» Il dit aussi : «Je ne voulais pas me faire tabasser.» Et tout à coup, un gouffre se creuse entre le jeune des cités et le président du tribunal. Ce dernier lance d’un ton pontifiant : « Savez-vous comment ça s’est passé pour les autres? Personne n’a été passé à tabac ce soir-là au commissariat de Livry.» Silence de Muhutin.
La fuite en avant est aussi celle des policiers, lancés dans une course poursuite effrénée qu’ils ne tenteront d’arrêter à aucun moment, même lorsqu’ils perçoivent le danger. A 17h33, Sébastien Gaillemin, aujourd’hui sur le banc des prévenus pour «non assistance à personne en danger», est l’auteur de ces deux terribles phrases lancées sur les ondes : «Les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF.» Puis, vingt-cinq secondes plus tard : «En même temps s’ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau.»
Interrogés à la barre sur cette dernière phrase prémonitoire, les deux prévenus se sont effondrés hier midi. D’abord, Sébastien Gaillemin qui, pour la première fois, a montré un semblant de regret : «C’était une expression maladroite. J’en suis désolé.» Il pleure ensuite sur le banc des prévenus pendant que son ancienne collègue Stéphanie Klein sanglote à la barre. A plusieurs reprise, le président demande aux prévenus s’ils avaient conscience que les jeunes étaient entrés sur le site. «Non», répondent-il à chaque fois. Sébastien Gaillemin rappelle qu’il est monté sur une poubelle, puis sur une armoire électrique pour regarder dans le site mais «rien n’attire mon attention». «Une fois que j’ai effectué mes vérifications visuelles, pour moi il n’y avait plus aucun doute.». Il est 17h43, les équipes de police quitte les lieux. 28 minutes plus tard, Zyed et Bouna mourront électrocutés.
Étonnant procès où ce sont les prévenus qui craquent et pas les familles des deux enfants morts. «Nous ne méprisons nullement l’émotion des fonctionnaires de police, précise Jean-Pierre Mignard, avocat des parties civiles. Mais nous voulons simplement dire que les familles, elles, pleurent depuis dix ans.»
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