La date et l’heure du procès de Jérôme Cahuzac étaient
connues, mais son arrivée a pourtant surpris les journalistes qui se
soumettaient aux contrôles de sécurité à l’entrée du palais de justice de
Paris, hier. L’ancien ministre délégué au Budget de François Hollande a dû se
frayer un chemin jusqu’à la salle d’audience, quitte à repousser quelques-uns
des quatre-vingts représentants de la presse. D’autres, se bousculant entre eux
à reculons, avaient chuté tout seuls sur les marches du palais. C’est dire
l’impatience qui prévalait à l’ouverture du procès pour fraude, recel et
blanchiment de fraude fiscale, minoration des impôts sur le revenu et de
solidarité sur la fortune, pour lesquels les ex-époux Cahuzac encourent jusqu’à
sept ans de prison et 1 million d’euros d’amende. François Reyl, la banque du même
nom en tant que personne morale et Philippe Houman, consultant suisse en
optimisation fiscale, les flanquaient sur le banc des accusés pour avoir, «via des structures écrans mises
en place par la banque, assuré l’opacité des opérations».
La première journée d’audience a été consacrée aux quatre
questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) déposées par Patricia et
Jérôme Cahuzac. « Ce n’est
pas parce que mon client a été désigné comme paria par la presse que
l’on ne doit pas faire du droit
», a lancé Jean Veil, avocat de l’ancien ministre. La défense conteste le cumul
des poursuites pénales et fiscales. Elles seraient contraires à l’article 8 de
la Déclaration des droits de l’homme, qui prévoit des « peines strictement et
évidemment nécessaires ». Or les ex-époux Cahuzac ont déjà été lourdement
condamnés par l’administration fiscale, plaident leurs avocats, qui soulignent
qu’ils ont « accepté et payé » les indemnités du fisc à hauteur de 80 %.
Au début du mois de janvier, les héritiers Wildenstein,
soupçonnés de fraude fiscale massive, avaient vu leur procès ajourné, devant la
même chambre du tribunal correctionnel de Paris, après la transmission de leurs
QPC au Conseil constitutionnel. Mais pas question ici, assurent les avocats de
la défense, de « manœuvres
dilatoires ». « M. Cahuzac souhaite être jugé et aussi vite que possible »,
assure Me Jean-Alain Michel.
C’est aussi le souhait de l’accusation, portée par Éliane
Houlette, qui dirige le parquet national financier et regrette que les QPC
soient déposées le premier jour du procès « alors qu’elles eussent pu l’être tout au long de
l’instruction ». « Après avoir fraudé pendant vingt ans, M. Cahuzac vient nous
expliquer qu’il ne peut pas être condamné », accuse le vice-procureur financier, Jean-Marc Toublanc.
« Lorsqu’il était ministre du Budget, M. Cahuzac a renforcé les sanctions
pénales en matière de fraudes fiscales… »
L’ancien ministre socialiste est resté impassible sur le
banc des prévenus tout au long de cette première audience, tandis que son
ex-femme gardait les yeux clos, comme pour échapper à la réalité de
l’accusation. Le tribunal dira demain matin s’il transmet au Conseil
constitutionnel les QPC. Auquel cas le procès serait renvoyé à une date
ultérieure.
(Avec Grégory Marin)
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