vendredi 23 septembre 2016

« Il est mis à terre par les CRS. Où est la rébellion ? »

La foule des grands jours s'est pressée hier à la 24e chambre du tribunal correctionnel de Paris. De nombreux militants venus soutenir les opposants à la loi travail poursuivis pour rébellion. Un public pas toujours discipliné que tente de faire taire la procureure. « C'est moi qui assure la police de l'audience, la reprend la présidente du tribunal. Et jusqu'ici, je n'ai rien entendu de dérangeant ». « Des rires », lui répond, outrée, la représentante du parquet. Le terme utilisé par la présidente dans son rapport pour parler des « nasses » a de quoi amuser les militants : « La police parle de 'zones de recueillement'... Il faut bien lui donner un nom, même si ça fait un peu église... »

La présidente du tribunal rappelle les faits : Michel H est poursuivi pour rébellion lors de la manifestation du 5 juillet contre la loi Travail devant l'Assemblée nationale. Venu manifester avec son fils, il se trouvait en dehors de la fameuse « zone de recueillement ».
La présidente : « Est ce que vous considérer que vous êtes en train de manifester ?
- Oui, on est présent pour exprimer notre désaccord politique.
- Est-ce qu'un CRS vous a demandé de bien vouloir (ou je ne sais pas comment ils s'expriment) rejoindre la zone de manifestation autorisée ?
- Non.
- La situation est confuse ?
- Pour les CRS, oui (rires dans la salle et soupirs excédés de la procureure) ».

Vidéo à l'appui, Michel explique avoir tenté de calmer une altercation avant de voir les CRS se ruer sur lui. « Ils nous ont blessés et matraqués. c'était violent. J'ai eu peur pour moi et pour les autres. » Dans les procès verbaux, les forces de l'ordre (absentes à l'audience) notent : « Lors de son interpellation, Michel H. reste rigide pendant de longues secondes, obligeant les effectifs de police à le saisir ». « J'ai du mal à comprendre la rigidité décrite », soupire la présidente tandis que la salle pouffe.

La procureure, elle, ne rit pas du tout : « Les forces de l'ordre sont épuisées par la menace terroriste et confrontées à des manifestations constantes à caractère insurrectionnel. Les policiers sont traités d'enculés à chaque instant et, sous les outrages, doivent agir avec vitesse, autorité et fermeté. Le trouble à l’ordre public est avéré. Il n'y a pas de légitime défense face aux forces de l'ordre, on obtempère. » Elle requiert quatre mois de prison avec sursis. « Je suis effarée par ce que j'entends, plaide Me Irène Terrel, l'avocate de Michel H. Quatre mois alors qu'il n'a rien fait ! Mon client ne se débat absolument pas, il est mis à terre. Où est la rébellion ? Ils se sont fait interpellés violemment alors qu'ils n'avaient rien fait. »

Quatre mois avec sursis, c'est aussi ce que requiert la procureure contre le deuxième manifestant jugé ce matin. Maxime Goguet, 30 ans, professeur de physique-chimie à Maison-Alfort et Créteil, a refusé de prendre un avocat pour ne pas « participer à cette mascarade », avait-il confié à l'Humanité. Las, c'était visiblement une erreur : il multiplie les maladresses jusqu'à braquer la présidente : « Vous avez l'habitude de donner des cours mais là, vous allez en prendre un ». Accusé d'avoir donné un coup de pied dans le bouclier d'un CRS, Maxime reconnaît les faits. « C'était de l'auto-défense ». Pour preuve des « sept coups de tonfa » qu'il a pris sur le corps alors qu'il tentait d'« extirper des manifestants qui se faisaient frapper », il présente une vidéo. La présidente le coupe : « Il fallait le dire avant, nous n'avons plus le temps ».

Il est 12h45, le tribunal doit libérer la salle pour les comparutions immédiates. Michel H. et Maxime Goguet qui risque chacun un an de prison et 15 000 euros d'amende auront été jugés en une heure pour le premier, 45 minutes pour le deuxième. Leurs jugements ont été mis en délibéré au 6 octobre. Les procès de Valentin et Gildo, poursuivis eux aussi pour rébellion lors de la manifestation du 5 juillet ont été renvoyés au 5 et 19 janvier 2017. Par ailleurs, le militant de Nuit Debout, BastienJacquesson comparait cet après-midi devant le tribunal correctionnel de Paris.

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