La justice a t-elle voulu juger trop
vite les prévenus poursuivis dans l'affaire de la voiture de police
brûlée du quai de Valmy ? Elle a, en tous cas, montré hier un
niveau d'impréparation aberrant dans une affaire aussi politique et médiatique.
Dès 13 heures, au moins deux cents personnes, soutiens et famille des prévenus, mais aussi journalistes venus en nombre, se pressaient devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Tout en acajou et lambris, cette salle d'audience compte au maximum une cinquantaine de places, avocats compris... Or elles étaient nombreuses les robes noires, hier, à se presser autour des prévenus. Le plus célèbre d'entre eux, Me Henri Leclerc, sonne la charge dès l'ouverture des débats : « Les conditions ne sont pas réunies pour que nous puissions travailler correctement, on ne peut même pas s'asseoir !, lance t-il au président du tribunal. La défense est maltraitée. » On compte alors treize avocats debout au milieu de la travée.
Dehors, les deux cents soutiens, dont
une vingtaine à peine ont pu pénétrer dans la salle d'audience,
font entendre de la voix : « Une grande salle ! »
sera chantée sur tous les tons, accompagnés de sifflets et de huées
pendant l'heure et demie que dureront les incidents d'audience. Sur
les bancs de la presse, on s'impatiente aussi : plusieurs
journalistes sont restés bloqués dehors. Aucun système
d'accréditations pour la presse n'a été mis en place en amont du
procès, comme c'est normalement le cas pour les procès médiatiques.
Le président suspend l'audience, le
temps, dit-il, de trouver une solution. Durant la suspension, une
dizaine de chaises pliables sont installées au milieu des travées
et dans le fond de la salle. On y installe quelques journalistes de
plus. Appelé à la rescousse par Me Leclerc, le bâtonnier Frédéric
Sicard fait son entrée. Il propose des « rotations » du
public et la présence d'un membre du conseil de l'ordre pour « acter
la protestation des avocats »... L'ambiance se tend à
l'intérieur comme à l'extérieur de la salle d'audience. « Les
débats doivent rester sereins », tente le président à la
reprise de l'audience. « Faire des rotations du public, c'est
évident que ça ne va pas être serein !, s'agace Jérémie
Assous, autre avocat de la défense. Des journalistes sont bloqués
dehors, vous allez faire des rotations de la presse aussi ? ».
Pour Me Arié Alimi, qui défend Antonin Bernanos, il en va du
« droit à une procès équitable » : « serré
sur un coin de table, je ne peux pas consulter le dossier ».
Plusieurs conseils souhaitent déposer des demandes de nullités,
tandis que le représentant du ministère public regrette le
«surnombre des avocats non prévus à l'audience »...
L'audience est à nouveau suspendue,
elle reprendra vingt minutes plus tard par l'annonce d'un
ajournement. Le procès devrait reprendre aujourd'hui dans la 16e
chambre du tribunal de Paris, guère plus grande... Pas sûr que ce
déménagement calme les soutiens des prévenus, alors que plusieurs
collectifs tels que Libérons-les (créé pendant la détention
provisoire d'Antonin Bernanos), mais aussi contre les violences
policières comme Justice pour Adama, appellent à venir assister aux
audiences jusqu'à la fin de la semaine. Au manque de place, va
certainement s'ajouter un problème de temps : seules quatre
demi-journées de débats étaient prévues pour ce dossier, il n'en
reste que trois. Dehors, les soutiens des prévenus sont repartis aux
cris de « Tout le monde déteste la justice ». Une
occasion ratée sans doute...
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