mercredi 23 janvier 2019

Les plantons du 36 et la «salope»

Le soir du 22 avril 2014, ils étaient trois policiers de garde au 36, quai des Orfèvres, le siège de la police judiciaire parisienne. Deux à l’entrée, un troisième au premier étage. Trois plantons qui ont vu entrer Emily S. accompagnée de deux agents de la ­Brigade de recherche et ­d’intervention (BRI), vers 0 h 40. La touriste canadienne leur paraît « joyeuse », bien que « très éméchée » et le «regard vitreux». Elle titube, rentre dans le portant de la porte, mais, note le premier, « est montée de son plein gré ».

Suivent les échanges téléphoniques entre les policiers. Un agent à l’entrée à celui du ­premier étage : « Ils montent, tu vas entendre couiner. » Un peu plus tard, celui du premier étage à ceux de l’entrée :
« – Je crois qu’elle est en train de se faire claquer, j’entends des petits bruits.
– Quels bruits ?
– Des ha ha (en mimant des cris de plaisir).
– Ah la salope... »

Changement de ton peu après 2 heures du matin, lorsque Emily S. redescend, accompagnée des deux mêmes agents : « Elle pleure, là, elle arrive, elle dit qu’elle s’est fait tripoter et violer. » Devant la cour d’assises de Paris, le policier de faction à l’entrée du 36 décrit une femme « prostrée », « choquée », « traumatisée », qui « pleure à chaudes larmes ». Il demande alors des explications à l’un des deux agents de la BRI, aujourd’hui sur le banc des accusés pour viol en réunion. ­Réponse (il ne se souvient plus duquel) : « Elle est bourrée, c’est de la merde, faut la dégager. » Le jeune policier tente tout de même de parler à Emily S., « roulée en boule ». Elle lui dit « they rapped me » et comme il lui demande de répéter en Français : « Ils ont voulu sexe avec moi que je voulais pas. » Devant la « gravité des accusations », le planton prévient sa hiérarchie. Puis s’adresse à la jeune femme : « Je suis désolé de vous demander ça, mais est-ce qu’il y a eu pénétration ? » « Oui et ils ont pris des photos. » « Après, beaucoup de monde est arrivé, les patrons et tout, raconte le policier. Je me suis senti dépassé, je me suis mis sur le côté. »

Dans la matinée, Nicolas R., l’un des deux accusés, a demandé à prendre la parole devant la cour : « Je n’arrive plus à dormir, je ne mange plus, je sais que je suis innocent, déclare-t-il, la voix forte et tremblante. On me fait passer pour un taré qui se fait plaisir à taper une femme et à la violer. Je veux juste être entendu. » Le président l’a assuré qu’il pourrait s’exprimer sur les faits ce vendredi, soit après quasiment deux semaines d’audience.

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