Difficile
pour un avocat d'être sur le banc des prévenus. André Mikano s'est
perdu, hier, en bavardages, rires nerveux et agressivité devant le
tribunal correctionnel de Bobigny. « Vous devriez laisser travailler
vos avocats », lui a glissé son conseil, Me Stansal, après
trois heures d'audition. Fait rare, André Mikano est jugé pour sa
participation présumée à un réseau d'immigration clandestine. Cet
homme de 46 ans risque dix ans de prison.
Fait rare pour un avocat mis en cause dans l'exercice de ses fonctions, André Mikano a passé un mois et demi en prison, au printemps 2013, pour une affaire très similaire, toujours à l'instruction et impliquant des sans-papiers philippins. Le barreau de Bobigny l'a alors soutenu, refusant de le suspendre de ses fonctions. « On n'a pas entendu à ce jour d'élément véritablement probant » à charge contre Me Mikano, souligne le bâtonnier, Robert Feyler, qui qualifie son confrère d'« excellent avocat, grand technicien », que la police aux frontières (PAF) a « dans le nez ». C'est pourtant ces fonctionnaires, « adversaires quotidiens » de Mikano selon ce dernier, que le juge d'instruction a chargé d enquêter sur ce réseau présumé.
Démantelé
fin 2009, ce « réseau » avait un mode opératoire simple et
efficace. Recrutés au Maroc par le « chef », les candidats au
départ se voyaient remettre un billet d'avion pour le Brésil, via
Paris. Une fois dans la zone de transit de Roissy -
Charles-de-Gaulle, les Marocains étaient guidés, par téléphone, à
travers les dédales de l'aéroport en dehors de la zone
internationale.
Ceux
qui se faisaient attraper se retrouvaient en zone d'attente, la
fameuse Zapi 3. C'est là qu'André Mikano intervenait pour les
libérer. Cet « avocat des communautés », comme il se définit,
est l'un des ténors de la chambre du « 35 quater » au tribunal de
Bobigny. Chaque jour, des dizaines d'étrangers arrivés en France
sans visa et coincés dans la zone d attente de Roissy passent devant
ce tribunal, qui décide ou non de leur libération. André Mikano
excelle à les faire libérer. « Le problème, c'est que les
policiers font mal leur travail, a-t-il expliqué hier devant le
tribunal. Ils oublient de cocher la case "Ne sait pas lire"
et tout est annulé ! »
Pour
chaque client, l'avocat facture 1 500 euros, en liquide « parce que
les étrangers en zone d'attente n ont pas souvent de chéquier ».
Pendant l'instruction, le chef du réseau au Maroc, entendu sur
commission rogatoire internationale, a parlé du « recrutement » de
Mikano. « Personne ne m'a recruté, je ne suis pas recrutable ! » a
répondu l'avocat hier matin.
- « Mais quand vous avez vu les "similitudes de routines", avec tous ces billets pour le Brésil, vous ne vous êtes pas dit : "Ça sent le réseau à plein nez" ? » l'interroge la présidente.- « Non, répond l'avocat. Quand on travaille sur le contentieux des étrangers, c'est toujours les mêmes scénarios. » Et d'embrayer : « Même si je me l'étais dit, qu'est-ce qui m'empêche de défendre des gens arrivés via un réseau ? Dans ce tribunal, il y a plein d avocats qui défendent des trafiquants et sont payés avec l'argent de la drogue ! Qu'est-ce qu'on me reproche ? »
Fait rare pour un avocat mis en cause dans l'exercice de ses fonctions, André Mikano a passé un mois et demi en prison, au printemps 2013, pour une affaire très similaire, toujours à l'instruction et impliquant des sans-papiers philippins. Le barreau de Bobigny l'a alors soutenu, refusant de le suspendre de ses fonctions. « On n'a pas entendu à ce jour d'élément véritablement probant » à charge contre Me Mikano, souligne le bâtonnier, Robert Feyler, qui qualifie son confrère d'« excellent avocat, grand technicien », que la police aux frontières (PAF) a « dans le nez ». C'est pourtant ces fonctionnaires, « adversaires quotidiens » de Mikano selon ce dernier, que le juge d'instruction a chargé d enquêter sur ce réseau présumé.
À
la barre, l'enquête de la PAF s'écroule comme un château de
cartes. Deux prévenus racontent avoir été tabassés, leurs avocats
confirment. Une autre s effondre en pleurs : « J'ai raconté ce
qu'ils voulaient quand, après trente et une heures de garde à vue,
les policiers ont menacé de placer mes enfants. » Pas de quoi
influencer le procureur, qui a requis, hier après-midi, des «
peines lourdes », notamment à l'encontre de Me Mikano : trois
ans de prison, dont au moins un an ferme, 100 000 euros d'amende et
la confiscation des scellés (200 000 euros et 47 000 dollars en
liquide, retrouvés au domicile de l'avocat). Le procès doit
s'achever ce soir.
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