Peut-on se faire justice soi-même quand les autorités ont été défaillantes ? La question a été au cœur des débats aujourd’hui au tribunal correctionnel de Mulhouse, où sont jugés, depuis hier, André Bamberski, 76 ans, et ses comparses pour l’enlèvement, en 2009, de Dieter Krombach, alors recherché par la justice française pour son rôle dans la mort de Kalinka Bamberski.
Non, ont sans surprise répondu les parties civiles, représentant le médecin allemand qui n’a pu se présenter à l’audience pour « raison de santé ». « La presse les a qualifié de ‘Justes’. Quand on est justes on n’a pas les mains sales. Vous avez les mains sales M. Bamberski », a lancé Me Yves Ohayon avant de citer Gandhi : « Œil pour œil et tout le monde devient aveugle ».
« Chers confrères, vous avez peut être le droit pour vous, mais nous avons la morale ! » lui a répondu, avec emphase, Me Civallero, avocat d’Anton K. Le Kosovar de 43 ans, organisateur de l’enlèvement, est la rock star de ce procès. Sa belle gueule de voyou au regard franc a séduit le prétoire. « On est venu torse bombé et tête haute, poursuit son avocat. Il fallait que justice soit faite et Anton a adhéré à cette cause. Il a déchargé Bamberski de ce mal. » Applaudissements.
Entre le droit et la morale, la frontière est parfois mince. Pour Laurent De Caunes, son avocat, « Bamberski n’avait pas le droit de faire ce qu’il a fait, mais il en avait le devoir ». En tant que père, il avait « l’obligation morale » de livrer le meurtrier de sa fille aux policiers français. Victime d’un « déni de justice », Bamberski a l’excuse de la contrainte morale. « Cette ‘arrestation’, c’était à l’autorité de la faire, poursuit Me De Caunes, qui demande la relaxe. Le but de Bamberski n’a jamais été la vengeance, mais la justice. »
Dans la matinée, le procureur Hervé Robin avait requis six mois de prison avec sursis contre André Bamberski, un an ferme contre Kacha B. et Anton K., auteurs de l’enlèvement et trois mois avec sursis contre la journaliste qui les a mis en contact. « Le droit, la morale, les sentiments explosent de partout dans cette affaire, constate le représentant du ministère public. Mais ce n’est pas mon problème. Mon problème, c’est de savoir si ces quatre prévenus ont fait ce dont ils sont accusés. » Or, oui, dit-il, « ce sont des voyous qui ont commis un délit grave ». Et, paradoxalement, de conclure par un hommage appuyé à Bamberski : « Humainement je comprends. Je reste le souffle court devant autant de persévérance et de volonté ».
Un dernier mot pour les prévenus. Adelheid R., la journaliste : « Ce que nous avons fait n’est pas un acte criminel, mais humanitaire ». Kacha B. : « Je n’ai pas fait ça pour l’argent, mais du fond du cœur ». Anton K., le « loubard gothique » : « Je me suis sacrifié et j’accepterai la sentence ».
André Bamberski se lève. C’est sans doute la dernière fois qu’il s’exprime devant une juridiction. Dieter Krombach a été définitivement condamné à quinze ans de prison, la cour de cassation ayant rejeté son pourvoi. Le « père courage » pose ses dossiers, ses notes devant lui. C’est son chant du cygne. « Nous n’avons pas assez parlé de Kalinka, commence t-il d’une voix posée. Hier, vous avez vu une photo du Dr Krombach. Voici une photo de Kalinka un mois avant sa mort. Et voici des photos de son corps trois ans et demi après, lors de l’exhumation à laquelle j’ai assisté. Krombach est en pleine forme alors que Kalinka a été dépecée comme un animal, s’il vous plait, un peu de décence. » Sa voix se brise. Il veut reprendre les plaidoiries des avocats une par une, contredire des faits, donner des détails. La présidente tente d’abord doucement puis fermement de l’arrêter. Il ne comprend pas et lui répond, fébrile : « Je vous supplie de me donner la possibilité d’exercer mes droits ». Puis, la voix plus assurée : « Si vous prononcez de la prison ferme, je préférerais que ce soit à mon encontre qu’à celle des autres. Ils sont jeunes, ont des enfants, une famille ». La présidente l’interrompt pour conclure d’une voix douce trente années de combat judiciaire : « M. Bamberski, vous avez rempli votre engagement auprès de Kalinka. Vous pouvez maintenant vous tourner vers l’avenir ».
La décision sera rendue en délibéré le 18 juin.
Non, ont sans surprise répondu les parties civiles, représentant le médecin allemand qui n’a pu se présenter à l’audience pour « raison de santé ». « La presse les a qualifié de ‘Justes’. Quand on est justes on n’a pas les mains sales. Vous avez les mains sales M. Bamberski », a lancé Me Yves Ohayon avant de citer Gandhi : « Œil pour œil et tout le monde devient aveugle ».
« Chers confrères, vous avez peut être le droit pour vous, mais nous avons la morale ! » lui a répondu, avec emphase, Me Civallero, avocat d’Anton K. Le Kosovar de 43 ans, organisateur de l’enlèvement, est la rock star de ce procès. Sa belle gueule de voyou au regard franc a séduit le prétoire. « On est venu torse bombé et tête haute, poursuit son avocat. Il fallait que justice soit faite et Anton a adhéré à cette cause. Il a déchargé Bamberski de ce mal. » Applaudissements.
Entre le droit et la morale, la frontière est parfois mince. Pour Laurent De Caunes, son avocat, « Bamberski n’avait pas le droit de faire ce qu’il a fait, mais il en avait le devoir ». En tant que père, il avait « l’obligation morale » de livrer le meurtrier de sa fille aux policiers français. Victime d’un « déni de justice », Bamberski a l’excuse de la contrainte morale. « Cette ‘arrestation’, c’était à l’autorité de la faire, poursuit Me De Caunes, qui demande la relaxe. Le but de Bamberski n’a jamais été la vengeance, mais la justice. »
Dans la matinée, le procureur Hervé Robin avait requis six mois de prison avec sursis contre André Bamberski, un an ferme contre Kacha B. et Anton K., auteurs de l’enlèvement et trois mois avec sursis contre la journaliste qui les a mis en contact. « Le droit, la morale, les sentiments explosent de partout dans cette affaire, constate le représentant du ministère public. Mais ce n’est pas mon problème. Mon problème, c’est de savoir si ces quatre prévenus ont fait ce dont ils sont accusés. » Or, oui, dit-il, « ce sont des voyous qui ont commis un délit grave ». Et, paradoxalement, de conclure par un hommage appuyé à Bamberski : « Humainement je comprends. Je reste le souffle court devant autant de persévérance et de volonté ».
Un dernier mot pour les prévenus. Adelheid R., la journaliste : « Ce que nous avons fait n’est pas un acte criminel, mais humanitaire ». Kacha B. : « Je n’ai pas fait ça pour l’argent, mais du fond du cœur ». Anton K., le « loubard gothique » : « Je me suis sacrifié et j’accepterai la sentence ».
André Bamberski se lève. C’est sans doute la dernière fois qu’il s’exprime devant une juridiction. Dieter Krombach a été définitivement condamné à quinze ans de prison, la cour de cassation ayant rejeté son pourvoi. Le « père courage » pose ses dossiers, ses notes devant lui. C’est son chant du cygne. « Nous n’avons pas assez parlé de Kalinka, commence t-il d’une voix posée. Hier, vous avez vu une photo du Dr Krombach. Voici une photo de Kalinka un mois avant sa mort. Et voici des photos de son corps trois ans et demi après, lors de l’exhumation à laquelle j’ai assisté. Krombach est en pleine forme alors que Kalinka a été dépecée comme un animal, s’il vous plait, un peu de décence. » Sa voix se brise. Il veut reprendre les plaidoiries des avocats une par une, contredire des faits, donner des détails. La présidente tente d’abord doucement puis fermement de l’arrêter. Il ne comprend pas et lui répond, fébrile : « Je vous supplie de me donner la possibilité d’exercer mes droits ». Puis, la voix plus assurée : « Si vous prononcez de la prison ferme, je préférerais que ce soit à mon encontre qu’à celle des autres. Ils sont jeunes, ont des enfants, une famille ». La présidente l’interrompt pour conclure d’une voix douce trente années de combat judiciaire : « M. Bamberski, vous avez rempli votre engagement auprès de Kalinka. Vous pouvez maintenant vous tourner vers l’avenir ».
La décision sera rendue en délibéré le 18 juin.
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