Vendredi, le tribunal correctionnel de Nanterre pourrait briser un tabou : la possible condamnation de l’un des plus importants bailleurs sociaux d’Ile-de-France pour discrimination et fichage ethnique. En mars, 50 000 euros avait été requis contre la société Logirep accusé d’avoir refusé un logement à un homme au motif qu’il était noir et d’avoir organisé le «fichage ethnique» de ses locataires.
Les faits remontent à juillet 2005. Frédéric Tieboyou, agent RATP d’origine ivoirienne dépose une demande de logement à la Logirep, qui gère 36 000 logements. La commission d’attribution refuse son dossier, en lui notifiant par courrier le motif: «mixité sociale». Frédéric Tieboyou appelle alors la conseillère qui suit son dossier. Lorsque la mère du jeune homme voit la tournure que prend la conversation, elle saisit son dictaphone. Voici un extrait de cet enregistrement que nous avons pu écouter :
L’enquête avait révélé un fichage ethnique organisé, avec la découverte d’un document informatique comportant des informations sur les origines des locataires comme «Alg» pour Algérie ou «Gy» pour Guyane. Ces pratiques, interdites par la loi, restent pourtant très difficiles à faire condamner en France. « C’est seulement le deuxième procès d’un organisme HLM obtenu en vingt ans de combat », regrette Samuel Thomas, de la Fédération nationale des Maisons des potes, partie civile dans le procès Logirep. En 2009, l’office HLM de Saint-Etienne (Loire) avait été condamné à 20 000 euros d’amende avec sursis pour discrimination raciale, fichage ethnique et discrimination dans l’accès au logement. « Ca me reste en travers de la gorge, fulmine le militant. La bataille avait été très dure. Sur 5000 victimes potentielles, on avait réussi à en retrouver 1000. Et une seule avait les papiers nécessaires pour se constituer partie civile. »
Véritable parcours du combattant, les procédures judiciaires contre les bailleurs sociaux sont «longues , pénibles» et débouchent rarement sur un procès. Sur la trentaine de plaintes déposées par la Maison des Potes depuis 2000, beaucoup ont été classées sans suite. Sans compter celle encore à l’instruction quatorze ans plus tard, comme celle contre LogiEst à Metz. Des procédures contre l’OPAC d’Orléans et France Habitation, l’un des plus gros bailleurs sociaux d’Ile de France, sont également en cours.
La Logirep, elle, base sa défense sur l’objectif de mixité sociale assigné aux bailleurs sociaux. « L’absence de définition dans la loi sert aux organismes pour se défendre mais aussi aux parquets pour ne pas poursuivre », regrette Bertrand Patrigeon, avocat de la Maison des Potes. Autre explication de ces lenteurs de la justice: la difficulté à faire condamner les bailleurs comme personne morale. « Le comportement d’un chargé de clientèle ne va pas forcément entraîner la responsabilité de l’organisme, souligne l’avocat. Or, nous ne voulons pas nous arrêter aux comportements individuels mais démonter un système. »
Le jugement d’aujourd’hui sera observé avec attention par les acteurs du logement social. Pour discrimination raciale et fichage ethnique, la Logirep risque jusqu’à 1,75 million d’euros d’amende.
Les faits remontent à juillet 2005. Frédéric Tieboyou, agent RATP d’origine ivoirienne dépose une demande de logement à la Logirep, qui gère 36 000 logements. La commission d’attribution refuse son dossier, en lui notifiant par courrier le motif: «mixité sociale». Frédéric Tieboyou appelle alors la conseillère qui suit son dossier. Lorsque la mère du jeune homme voit la tournure que prend la conversation, elle saisit son dictaphone. Voici un extrait de cet enregistrement que nous avons pu écouter :
- La conseillère Logirep : « Sur cette tour en particulier, la tour Ouessant à Nanterre, y’a déjà beaucoup de personnes d’origine africaine et antillaise.
- Frédéric Tieboyou : « Donc, moi parce que je suis Français d’origine ivoirienne, je ne peux pas entrer dans cette tour ? »
- La conseillère : «Dans cette tour là, non.»
L’enquête avait révélé un fichage ethnique organisé, avec la découverte d’un document informatique comportant des informations sur les origines des locataires comme «Alg» pour Algérie ou «Gy» pour Guyane. Ces pratiques, interdites par la loi, restent pourtant très difficiles à faire condamner en France. « C’est seulement le deuxième procès d’un organisme HLM obtenu en vingt ans de combat », regrette Samuel Thomas, de la Fédération nationale des Maisons des potes, partie civile dans le procès Logirep. En 2009, l’office HLM de Saint-Etienne (Loire) avait été condamné à 20 000 euros d’amende avec sursis pour discrimination raciale, fichage ethnique et discrimination dans l’accès au logement. « Ca me reste en travers de la gorge, fulmine le militant. La bataille avait été très dure. Sur 5000 victimes potentielles, on avait réussi à en retrouver 1000. Et une seule avait les papiers nécessaires pour se constituer partie civile. »
Véritable parcours du combattant, les procédures judiciaires contre les bailleurs sociaux sont «longues , pénibles» et débouchent rarement sur un procès. Sur la trentaine de plaintes déposées par la Maison des Potes depuis 2000, beaucoup ont été classées sans suite. Sans compter celle encore à l’instruction quatorze ans plus tard, comme celle contre LogiEst à Metz. Des procédures contre l’OPAC d’Orléans et France Habitation, l’un des plus gros bailleurs sociaux d’Ile de France, sont également en cours.
La Logirep, elle, base sa défense sur l’objectif de mixité sociale assigné aux bailleurs sociaux. « L’absence de définition dans la loi sert aux organismes pour se défendre mais aussi aux parquets pour ne pas poursuivre », regrette Bertrand Patrigeon, avocat de la Maison des Potes. Autre explication de ces lenteurs de la justice: la difficulté à faire condamner les bailleurs comme personne morale. « Le comportement d’un chargé de clientèle ne va pas forcément entraîner la responsabilité de l’organisme, souligne l’avocat. Or, nous ne voulons pas nous arrêter aux comportements individuels mais démonter un système. »
Le jugement d’aujourd’hui sera observé avec attention par les acteurs du logement social. Pour discrimination raciale et fichage ethnique, la Logirep risque jusqu’à 1,75 million d’euros d’amende.
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