mardi 27 janvier 2015

Au procès Bettencourt, la défense s’en prend violemment à l’instruction


Pas sûr que la tactique soit payante, mais elle a permis, ce matin, à la défense d’affuter ses arguments sur le fond. Durant plusieurs heures, les avocats des prévenus se sont relayés à la barre pour tirer à boulets rouges sur l’instruction de l’affaire Bettencourt.

Deux incidents de procédure réclament, selon eux, le renvoi du procès. D’abord, les irrégularités de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel(ORTC) des juges d’instruction Jean-Michel Gentil et Valérie Noël. « Juge d’instruction est un métier très difficile, a commencé Me Cornut-Gentille, avocat de François-Marie Banier. Il demande un examen objectif et complet des charges contre les personnes poursuivies ». Or, d’après l’avocat, les éléments à décharge ont été systématiquement exclus de l’ordonnance.

Brillamment, le pénaliste développe sa démonstration. Ainsi, les juges d’instruction n’auraient pas pris en compte les « 2 à 3000 lettres et fax échangés entre 1993 et 2000 » entre Liliane Bettencourt et François-Marie Banier. Et de lire des lettres à la barre, dans lesquelles la milliardaire ne semble ni « confuse », ni « désorientée », contrairement aux conclusions de l’expertise médicale controversée de 2011. « Cette ordonnance a bafoué, piétiné les principes élémentaires de notre droit pénal », tonne Pierre Haïk, avocat de Patrice de Maistre, qui assure, des trémolos dans la voix, qu’en « 35 ans d’exercice », il n’a « jamais vu ça ». Pour réparer cette « horreur », les avocats de la défense demandent un renvoi de l’ORTC au ministère public, autrement dit que le parquet revoit sa copie.

Deuxième problème d’après la défense : la mise en examen de l’un des principaux témoins, Claire Thibout, pour faux témoignage. La procédure actuellement devant un juge d’instruction parisien  demande de sursoir à statuer dans le procès Bordelais. Autrement dit, les juges devraient renvoyer le procès le temps que l’ex-comptable soit elle-même jugée. « Elle est l’un des piliers de l’accusation, argumente Me Jacqueline Laffont, avocate de Patrice de Maistre. Citée 144 fois dans l’ordonnance de renvoi, c’est vous dire son importance ! ».

Face à ces accusations, les parties civiles et le parquet font front commun, mais ont du mal à répondre avec conviction. Seul Me Ducos-Ader, avocat du tuteur ad hoc de Liliane Bettencourt, ironise à la barre contre une défense qui a du mal à accepter qu’on ne soit pas de son avis : « Ils ont tout essayé. Il faut savoir tourner la page et accepter de passer au fond ! ». « Mme Bettencourt, 92 ans, a le droit qu’un procès ait lieu, que justice lui soit rendue », conclue t-il. La procureure adjointe évoque, elle aussi, des « manœuvres dilatoires » et une « farandole d’outrances entendue ce matin ». Elle demande que les incidents soient joints au fond.
Le tribunal rendra sa décision demain à 9h30. S’il n’était pas renvoyé, le procès entrerait alors dans le vif du sujet avec l’étude de la personnalité de François-Marie Banier.

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