Le premier
procès dans l’affaire Bettencourt s’est ouvert ce matin au tribunal
correctionnel de Bordeaux dans la confusion la plus totale. De nombreux
personnages clefs de l’affaire manquent à l’appel. Sur le banc des parties
civiles, Liliane Bettencourt, qui n’est pas apparue en public depuis 2012, est
représentée par son administrateur ad hoc. Sa fille, Françoise
Meyers-Bettencourt et ses deux fils, parties civile, ne disent pas un mot. Du
côté des prévenus, dix hommes sont poursuivis – dont l’ancien ministre
sarkozyste Eric Woerth – mais deux manquent à l’appel : Carlos Cassina
Vejarano et Alain Thurin.
Le premier a
envoyé un certificat médical pour excuser son absence. Quand le deuxième est
appelé à la barre, le procureur, Gérard Aldigé, se gratte la gorge :
« Nous avons appris que M. Thurin aurait tenté d'attenter à ses jours hier,
par pendaison, dans un bois près de son domicile, en Essonne ». Silence
glacial dans la salle d’audience. « Nous ne savons pas s’il est mort ou
vivant », poursuit le président du tribunal, Denis Roucou. D’après une
source policière citée par l’AFP, l’ancien infirmier personnel de Liliane
Bettencourt serait « entre la vie et la mort » à l'hôpital d'Arpajon.
Il aurait été découvert dimanche par un passant dans un parc de
Brétigny-sur-Orge. Son pronostic vital est « engagé ».
Ce retraité
de 64 ans comparaissait sans avocat devant le tribunal, où il est poursuivi
pour avoir été désigné, dans le testament de Liliane Bettencourt, comme le
bénéficiaire de 10 millions d’euros – somme qu’il n’a jamais touché. Il est
également accusé d’avoir aidé l’avocat Pascal Wilhem dans son abus de
faiblesse, en isolant la milliardaire de sa famille et du reste de son
personnel. Les renseignements de personnalité de l’ordonnance de renvoi devant
le tribunal évoquent un homme marié depuis trente-cinq ans avec une infirmière
aujourd’hui à la retraite, père et grand-père deux fois. « Après une
enfance aux conditions matérielles et affectives difficiles, il a obtenu le
concours d’agent hospitalier puis a passé avec succès le concours interne
d’infirmier », écrivent les juges d’instruction.
Absents
également, un certain nombre de témoins qui n’ont pas daigné faire le
déplacement jusqu’à Bordeaux – « Ils auraient pu envoyer une lettre au
tribunal » s’agace le président - et surtout, la principale d’entre eux,
Claire Thibout, ex-comptable de la milliardaire, mise en examen pour faux
témoignage dans une procédure toujours à l’instruction à Paris. Un certificat
médical précise qu’elle ne pourra assister à l’audience. Les avocats de la
défense s’étonnent de cette affirmation qui date du 7 janvier et comptent dès
demain matin demander un renvoi de l’audience, le temps que la procédure
parisienne prenne fin.
Après huit
années de rebondissements, le premier volet dans cette affaire tentaculaire se
présente donc devant la justice dans un climat de haute tension. D’abord
médiatique - 150 journalistes accrédités - mais aussi juridique avec des
menaces de renvoi du procès. La défense, qui espère visiblement renvoyer le
procès aux calendes grecques, multiplie les incidents de procédure. Ce matin,
les avocats de François-Marie Banier et Patrice de Maistre ont déposé une
question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le tribunal s’est retiré pour
délibérer et dira demain matin si la QPC est « sérieuse » et si elle
doit être transmise à la Cour de cassation. Cette décision entraînerait le renvoi du
procès, mais le ministère public a d'ores et déjà prôné son rejet.
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