Décision
inédite en France. Pour la première fois, un tribunal a condamné des élus
locaux à une peine de prison ferme pour un délit non intentionnel. Reconnu
coupable d’homicide involontaire et de mise en danger d’autrui, René Marratier,
maire de La Faute-sur-Mer (Vendée), a été condamné vendredi par le tribunal
correctionnel des Sables-d’Olonne à quatre ans d’emprisonnement ; sa première adjointe, chargée de l’urbanisme, à deux ans
et 75 000 d’amende – la somme maximale
– ; son fils, agent immobilier, à dix-huit mois. La sanction, « historique
», est à la hauteur de la catastrophe : dans la nuit du 27 au 28 février
2010, vingt-neuf personnes périrent noyées dans leur maison de bord de mer.
Pour autant, cette décision pose quelques questions…
1- Un procès centré sur l’émotion des victimes
Durant
les cinq semaines qu’a duré le procès Xynthia, le président du tribunal, Pascal
Almy, n’a cessé de manifester son empathie envers les parties civiles. Leurs
dépositions étaient ponctuées de compliments doucereux et déplacés du
magistrat : « Vous avez fait preuve d’un sang-froid admirable. » Ou encore : « Bravo pour votre courage !
» René Marratier a, en revanche, été malmené, bousculé, interrompu par le
président, qui l’a qualifié d’« autiste » dès les premiers jours du procès.
S’il est primordial que la justice entende la douleur des victimes, celle-ci ne
devrait pourtant pas prendre le dessus au sein d’un tribunal. « Juger,
c’est comprendre », disait l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter. Or
jamais, durant ce procès, le tribunal n’a donné le sentiment de vouloir
entendre les explications des prévenus.
2- Des élus « malveillants » seuls responsables...
Les
attendus du jugement sont cinglants, presque cruels, puisqu’ils rendent les
trois condamnés seuls responsables de la mort de vingt-neuf hommes, femmes et
enfants. Aucune circonstance atténuante ne leur est reconnue. « Les
conséquences tragiques de la tempête Xynthia ne doivent rien au hasard, lit-on
dans le jugement. Il ne s’agit pas d’un drame environnemental sur lequel l’être
humain n’aurait pas eu prise. » Et le tribunal poursuit : « La tempête aurait dû passer à La Faute-sur-Mer comme en
bien d’autres endroits en France ou en Europe, en laissant derrière elle son
cortège de dégâts matériels plus ou moins considérables. Par les fautes pénales
conjuguées des prévenus, il y a eu 29 morts, des blessés, des personnes
traumatisées durablement. »
3- ... Et un État jugé « irréprochable »
Grand
absent de ce procès, l’État, qui en sort totalement dédouané. Pour les
magistrats, « l’État est impuissant quand il est confronté à la malveillance
d’élus locaux qui n’ont de cesse de faire obstruction à des démarches d’intérêt
général absolument indispensables ». Et en matière d’information sur les
risques, « l’État est irréprochable, sauf à considérer qu’une commune est un
organisme décérébré » ou « à en revenir à une vision jacobine de la fonction
(de maire – NDLR), vers laquelle la période ne semble pas tendre ». Le seul
agent départemental poursuivi a été relaxé. Certes, durant ses vingt-cinq
années de mandat, René Marratier s’est opposé de façon systématique à toute
initiative des services de l’État visant à protéger sa commune d’une
inondation, mais une question se pose : un élu qui ne respecte pas les
injonctions de l’État ne peut-il être arrêté avant la catastrophe annoncée ? Faut-il attendre la mort de vingt-neuf personnes pour
critiquer son incurie ? La chaîne de responsabilités
dans les conséquences de la catastrophe Xynthia est pourtant plus large. Pour
des permis de construire illégaux, le préfet aurait, par exemple, pu saisir le
tribunal administratif. Il ne l’a pas fait.
Cette
condamnation du maire de La Faute-sur-Mer inquiète. Ainsi, l’Association des
maires ruraux de France (AMRF) s’étonne que « toute la chaîne de
responsabilités – du demandeur de permis de construire aux différents acteurs
du dossier – ne soit pas concernée par ce jugement ». « Si les élus portent une
lourde responsabilité, ils ne sont pas les seuls. Une grave question restera
inscrite dans le marbre. Pourquoi l’État serait-il devenu désormais,
semble-t-il, “intouchable” ? » s’interroge aussi le PCF de
Vendée, qui s’inquiète que « les élus locaux portent de plus en plus de
responsabilités, avec des moyens de plus en plus faibles ».
4 - La « manne » générée par le « petit coin de paradis »
Les
trois prévenus n’étaient pas jugés pour prise illégale d’intérêts, ces
poursuites ayant fait l’objet d’un non-lieu à l’instruction, faute d’éléments
probants. Mais le profit généré par la construction de ces maisons en bord de
mer a plané tout au long du procès de ce maire bâtisseur. Entre 1989 et 2010,
plus de 2 500 pavillons ont été construits
à La Faute-sur-Mer.
La première adjointe, Françoise Babin,
possédait la plus grande partie des terrains vendus. Son fils, lui aussi sur le
banc des prévenus, Philippe Babin, les vendait en sa qualité d’agent
immobilier. Un troisième – Philippe Maslin, également poursuivi, mais décédé au
début du procès –, s’occupait de la construction. L’avocate des parties
civiles, Corinne Lepage, qui avait dénoncé dans sa plaidoirie des élus « cupides
», chiffre le montant des bénéfices de la vente des 200 terrains à quelque six
millions d’euros… Une fortune relevée également par le tribunal dans son
jugement : les prévenus « ont
intentionnellement occulté (le) risque pour ne pas détruire la manne du petit
coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d’argent. Ils ont menti à leurs
concitoyens, les ont mis en danger, les ont considérés comme des quantités
négligeables, en restant confits dans leurs certitudes d’un autre temps ».
Les
trois condamnés ont annoncé leur intention de faire appel ; un nouveau procès pourrait donc se tenir fin 2015, à
Poitiers.
J'ai assisté au procès et je suis atterré par ce que je lis de façon générale dans la presse. En aucune manière le président du tribunal, Pascal Almy, n'a traité M.Marratier d'autiste. Il lui a demandé s'il n'avait pas fait preuve d'autisme en refusant de tenir compte de l'histoire des catastrophes qui ont eu lieu à La Faute. Ce n'est pas la même chose !
RépondreSupprimerJe dirais pour expliquer la différence à ceux qui ne la verrait : "ca n'est pas parce que Toto a fait une connerie que Toto est un con !"