François-Marie Banier n’aime pas parler d’argent. Le millionnaire de 67 ans ne s’abaisse pas à
ces questions triviales. Même devant un tribunal. Il soupire : « Je n’entends
rien à ces choses là, voyez plutôt avec ma secrétaire ». Ou encore : « Liliane
(Bettencourt, NDLR) ne voulait pas que je m’occupe d’argent, ce n’est pas un
délit d’être inconséquent ». Non, mais l’abus de faiblesse en est un. Et c’est
justement pour avoir soustrait 440 millions d’euros à l’héritière de l’Oréal,
première fortune de France, que François-Marie Banier comparait depuis lundi
devant le tribunal correctionnel de Bordeaux.
Ce qu’aime François-Marie Banier, c’est parler de lui. Exemple
exacerbé du narcissisme moderne, l’écrivain photographe a décidé de rétablir la
vérité sur sa personne. C’est que, voyez-vous, « on a dit n’importe quoi
dans les journaux » sur son enfance, sa relation avec « Liliane ».
Il faut tout rectifier. François-Marie Banier s’y est employé hier matin,
pendant des heures. Il se délecte à raconter son enfance dans une « famille
bourgeoise », avec ses deux frères. Le père est « conventionnel,
sévère, gaulliste et passionné par la photo ». « Très violent »
aussi. « Ce fut douloureux, mais je lui ai pardonné. C’est pour ça que,
naturellement, je suis plus proche des victimes et que ce qui nous arrive
aujourd’hui est… triste. » Au lycée Janson-de-Sailly, il n’est « pas
très bon élève », mais « il y a là des gens de tous les milieux et c’est
par ça que j’ai été formé ». Il ne passe pas le bac, quitte les études
pour « le monde réel ».
« Qu’est ce que le monde réel ? », lui
demande judicieusement le président du tribunal, Denis Roucou. A 22 ans, François-Marie
publie un premier livre, « qui a une petite notoriété » et commence à
fréquenter du beau monde. La journaliste Françoise Giroud et l’artiste Marie-Laure de Noailles
deviennent des amies. Mais attention, il ne faut pas croire que tout a été
facile :
- « Ma vie a été celle d’un ouvrier, affirme t-il, tout à fait sérieusement. Quand j’ai arrêté mes études, j’ai dû travailler comme coursier. Et, je l’ai appris plus tard, mon père a été ouvrier à la chaîne chez Citroën. »
- « Vous habitiez quand même dans le 16eme arrondissement… », glisse le président
- « Dans 70 m2. Nous partagions une chambre pour trois et une salle de bain pour cinq ! »
- « Oui enfin, avenue Victor Hugo… »
- « Dans un fond de cour, monsieur le président ».
Voilà de quoi faire pleurer dans les chaumières. Ensuite,
François-Marie devient riche. Comment ? En inventant « les deux
noms de parfums les plus vendus dans le monde ». « Les royalties m’ont
permis d’acheter des œuvres d’art, des appartements et une maison à la campagne ».
Aujourd’hui, son patrimoine immobilier est estimé à treize millions d’euros. Il
comporte, entre autres, deux riads à Marrakech et 1104 m2 à Paris. Sans compter
les centaines d’œuvres d’art qui s’accumulent dans ses propriétés.
Dans les années 1970, François-Marie rencontre les
Bettencourt « chez les Lazareff ». En 1987, il prend une photo de
Liliane, qui rencontre un certain succès. Ils deviennent proches, se voient « quatre,
cinq fois par mois », partent en vacances ensembles à Rio de Janeiro ou
Budapest et vont diner « chez Prunier ». Bref, « une vie d’amis
normale ». Las, le président s’obstine à vouloir parler d’argent, c’est
insupportable. Combien était-il payé par L’Oréal pour conseiller son patron
Lyndsay Owen-Jones ? Quel était le salaire de son compagnon, Martin d’Orgeval
– également sur le banc des prévenus ? François-Marie perd le fil, s’énerve. Il
crie : « On ne parle que d’argent mais où est le respect de la pensée
de Liliane ? Ca lui faisait plaisir de donner de l’argent, nous avons vécu
heureux pendant vingt ans ». Hélas pour lui, elle n’est pas là pour le
confirmer.
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