Depuis le début du procès du Carlton, qui s’est ouvert le 2
février dernier, le procureur Frédéric Fèvre campe sur la même ligne : le
droit, rien que le droit. « Chacun est libre de vivre sa sexualité comme
il l’entend dès lors que son comportement n’est pas pénalement répréhensible.
Nous travaillons avec le code pénal, pas avec le code moral », a-t-il asséné
hier matin, en préambule de ses réquisitions. Ces dernières paraissent bien
faibles face aux peines encourues : les quatorze prévenus, poursuivis pour
proxénétisme aggravé, risquaient jusqu’à dix ans de prison et 1,5 million
d’amende ; or une seule peine de prison ferme a été requise hier par le
ministère public, les autres bénéficiant de sursis, voire d’une relaxe pour quatre
d’entre eux.
Durant un peu plus de trois heures, le procureur et sa
substitut, Aline Clérot, ont détaillé les charges retenues contre chacun des
prévenus, en terminant par le plus connu d’entre eux, Dominique Strauss-Kahn,
dont la seule présence a donné à ce procès une « dimension hors norme ».
Lors de l’instruction, le parquet avait déjà requis un non lieu à l’encontre de
l’ancien directeur du Fond monétaire international. La relaxe « pure et
simple », requise hier par le procureur, n’est donc pas étonnante, mais l’entrain
mis pour défendre DSK a surpris (lire ici). Ni l’instruction,
ni les débats n’auront permis, d’après le parquet, de prouver sa culpabilité. «
Il appartient au tribunal correctionnel de ne condamner que sur des preuves et
non des convictions. Notre système judiciaire doit pouvoir s'enorgueillir de ne
jamais condamner quelqu'un au bénéfice du doute. »
Plus étonnant, René Kojfer, 74 ans, le chargé des relations
publiques du Carlton qui, de l’aveu même du procureur, a « largement
contribué au proxénétisme sur la métropole lilloise » : seuls 15 mois
de prison avec sursis sont requis et 2500 euros d’amende. Fabrice Paszkowski,
homme d’affaire ami de DSK, décrit par Aline Clérot comme le « grand
manitou », « financeur, recruteur, organisateur » de ces soirées :
deux ans d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende. « Sans
lui rien n’aurait été possible », a pourtant précisé Aline Clérot, le
décrivant comme un « ambitieux prêt à tout pour faire plaisir aux
puissants ». Même faible peine requise contre David Roquet, « le
recruteur ». Ce dirigeant d’une filiale d’Eiffage avait demandé à Mounia,
l’une des prostituées, de prendre une douche avant d’avoir un rapport avec DSK.
« Par cette exigence, il s’est comporté comme un vulgaire commerçant qui
veut présenter un bon produit à sa clientèle », a taclé Aline Clérot. Ces
trois hommes, considérés comme des pivots du réseau lors de l’instruction,
avaient tous fait de la détention provisoire – jusqu’à trois mois et demi pour David
Roquet.
Autre surprise, le parquet a requis la relaxe de l’ex super
flic, Jean-Christophe Lagarde, à l’époque des faits chef de la sureté
départementale du Nord, qui a toujours prétendu, comme DSK, qu’il ne savait pas
que les femmes dans ces soirées étaient des prostituées. « Le prévenu nous
ment, mais ce mensonge ne peut à lui seul fonder une condamnation », a
regretté Frédéric Fèvre. Seul Dominique Alderweireld, dit Dodo la saumure, s’est
vu requérir deux ans de prison dont un ferme.
S’il suivait ses réquisitions, le tribunal correctionnel de
Lille entérinerait la thèse d’une instruction à charge, qui s’est dégonflée
tout au long des audiences. Des arguments qui vont certainement être utilisés
par les avocats de la défense qui ont commencé à plaider hier en fin de journée.
Les trois avocats de Dominique Strauss-Kahn seront entendus ce matin.
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