Soudain, le sourire de Bouna envahit le tribunal correctionnel de
Rennes. C’est comme s’il était là, dans cette salle d’audience minuscule
où parties civiles et prévenus se retrouvent dans un mouchoir de poche.
Ces fossettes que l’on a vues pendant dix ans sur les affiches dans
toutes les manifestations qui réclamaient justice sont désormais
évoquées officiellement dans une enceinte judiciaire. Dix ans après les
faits, la justice se penche enfin sur la mort de Zyed Benna et Bouna
Traoré, deux adolescents de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) morts
électrocutés dans un transformateur EDF après une course-poursuite avec
la police. Leurs morts avaient provoqué trois semaines de révoltes sans
précédent. Deux fonctionnaires de police sont jugés jusqu’à vendredi
pour non assistance à personne en danger.
Mais après cette décennie à attendre, tout va désormais très vite. Voilà qu’il faut évoquer la personnalité, raconter les parcours, les vies, les qualités et les défauts. Marie-Christine Culioli, principale du collège Robert Doisneau, dépeint avec précision «ses» jeunes devant le tribunal. Clichy, dit elle en préambule, «c’est un village, on se connaît tous, il y a une très grande solidarité». Dans le collège de la ville, 62% des élèves sont issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées, 55% sont boursiers. « Bouna, c’était la joie de vivre, un sourire grand comme ça, commence-t-elle. Il prenait grand soin de son apparence et avait une foulée d’athlète extra. Il n’était pas en rupture scolaire ce n’était pas un affreux Jojo.» Zyed avait connu une «arrivée en France plus tardive, ce n’était pas comme Bouna, il se taisait». « Ils étaient des gamins normaux de Clichy-sous-Bois, conclut-elle. Ils ne posaient pas plus de problèmes que d’autres.» Leurs casiers judiciaires étaient vierges précise le président du tribunal.
Sur les bancs des parties civiles, les proches regardent fixement devant eux. Ils se sont fait beaux pour ce rendez-vous tant attendu. Les hommes en costumes sombres, les femmes en foulard colorés. Ils se succèdent à la barre pour évoquer les disparus. Pour ses frères, Bouna, quinze ans, était un «garçon respectueux, aimable, serviable». «Sa présence épanouissait la famille, il était notre mascotte, précise son frère aîné. Il était amusant, rigolait avec tout le monde». Et aimait chanter. Zyed, dix-sept ans, était arrivé de Tunisie en 2001, il parlait mal le français, ce qui expliquait en partie sa timidité. «Son rêve était de trouver un travail et de venir habiter à Paris, raconte son grand frère. Paris, c’était autre chose que Clichy…»
Un vieux monsieur se présente ensuite à la barre. C’est le père de Zyed, ancien éboueur à la ville de Paris. Il comprend mal les questions du juge, répond à côté et finit par dire, dans un sanglot : «Quand je suis revenu du travail, on m’a dit ‘Zyed est mort’. Il me restait six mois avant la retraite.»
Enfin, il y a Muhittin Altun, survivant du transformateur EDF. Kurde, il parle mal le français et se fait aider par une traductrice. Sur la défensive et avec beaucoup d’incohérences, il raconte, à demi-mots, l’impossibilité de se reconstruire après un tel drame. « Les gens me demandent pourquoi je ne vais pas à la piscine, mais je ne peux pas, je dois cacher mes cicatrices.»
Les deux policiers devraient être entendus ce matin. Dans ses propos liminaires, le président du tribunal a prévenu : «Ce ne sera pas le procès de la police nationale dans son ensemble, ni des émeutes de 2005, ni des déclarations des politiques en marges des événements.»
Mais après cette décennie à attendre, tout va désormais très vite. Voilà qu’il faut évoquer la personnalité, raconter les parcours, les vies, les qualités et les défauts. Marie-Christine Culioli, principale du collège Robert Doisneau, dépeint avec précision «ses» jeunes devant le tribunal. Clichy, dit elle en préambule, «c’est un village, on se connaît tous, il y a une très grande solidarité». Dans le collège de la ville, 62% des élèves sont issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées, 55% sont boursiers. « Bouna, c’était la joie de vivre, un sourire grand comme ça, commence-t-elle. Il prenait grand soin de son apparence et avait une foulée d’athlète extra. Il n’était pas en rupture scolaire ce n’était pas un affreux Jojo.» Zyed avait connu une «arrivée en France plus tardive, ce n’était pas comme Bouna, il se taisait». « Ils étaient des gamins normaux de Clichy-sous-Bois, conclut-elle. Ils ne posaient pas plus de problèmes que d’autres.» Leurs casiers judiciaires étaient vierges précise le président du tribunal.
Sur les bancs des parties civiles, les proches regardent fixement devant eux. Ils se sont fait beaux pour ce rendez-vous tant attendu. Les hommes en costumes sombres, les femmes en foulard colorés. Ils se succèdent à la barre pour évoquer les disparus. Pour ses frères, Bouna, quinze ans, était un «garçon respectueux, aimable, serviable». «Sa présence épanouissait la famille, il était notre mascotte, précise son frère aîné. Il était amusant, rigolait avec tout le monde». Et aimait chanter. Zyed, dix-sept ans, était arrivé de Tunisie en 2001, il parlait mal le français, ce qui expliquait en partie sa timidité. «Son rêve était de trouver un travail et de venir habiter à Paris, raconte son grand frère. Paris, c’était autre chose que Clichy…»
Un vieux monsieur se présente ensuite à la barre. C’est le père de Zyed, ancien éboueur à la ville de Paris. Il comprend mal les questions du juge, répond à côté et finit par dire, dans un sanglot : «Quand je suis revenu du travail, on m’a dit ‘Zyed est mort’. Il me restait six mois avant la retraite.»
Enfin, il y a Muhittin Altun, survivant du transformateur EDF. Kurde, il parle mal le français et se fait aider par une traductrice. Sur la défensive et avec beaucoup d’incohérences, il raconte, à demi-mots, l’impossibilité de se reconstruire après un tel drame. « Les gens me demandent pourquoi je ne vais pas à la piscine, mais je ne peux pas, je dois cacher mes cicatrices.»
Les deux policiers devraient être entendus ce matin. Dans ses propos liminaires, le président du tribunal a prévenu : «Ce ne sera pas le procès de la police nationale dans son ensemble, ni des émeutes de 2005, ni des déclarations des politiques en marges des événements.»
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