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@Julien Jaulin | | |
Deux mondes se sont fait face cet
après-midi devant la Cour d'assises de Paris. Dans le box des
accusés, sept Somaliens, accusés d'avoir, en septembre 2011, tué
Christian Colombo, skipper du catamaran le Tribal-Kat. Âgés de 26 à
33 ans, habillés en survêtements pour la plupart, le crâne rasé,
ils risquent une peine d'emprisonnement à perpétuité. En détention
provisoire depuis quatre ans et demi, ils ont obtenu le statut
d'indigence carcérale : 20 euros par mois.
Avec l'aide de deux interprètes, ils
répondent aux questions du président qui leur demande d'égrener
leurs noms, adresses et professions avant leur détention. Ils
étaient chauffeur de taxi, « pêcheur, à l'époque où il y
avait des poissons en mer » - la surpêche est accusé d'avoir
épuisé les eaux au larges de la Somalie -, mécanicien, collecteur
d'encens...
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@Julien Jaulin |
Face à eux, un bloc de douleur. Ils
sont cinq à se serrer sur le banc des parties civiles. Au centre
Évelyne, la veuve de Christian Colombo, élégante femme de 58 ans
aux cheveux gris coupés courts, en chemisier blanc et pantalon noir.
Deux ans avant d'être attaqué, le couple varois avait tout vendu
pour faire le tour du monde. Pendant que le président de la Cour
d'assises rappelle les faits, les proches d’Évelyne lui tiennent
longuement la main.
Le 8 septembre 2011, à 13h17, un appel
de détresse est lancé depuis le Tribal-Kat. Quelques heures plus
tard, une frégate allemande trouve le catamaran de 16 mètres sans
personne à son bord, mais des impacts de balles sont visibles et une
marre de sang, dans laquelle baignent les lunettes de Christian
Colombo. Évelyne Colombo racontera plus tardn : khcgfdfwsq<dser
aux enquêteurs que le corps de son mari a été jeté à la mer. Il
ne sera jamais retrouvé.
Elle passera 48 heures cachée sous une
bâche dans le bateau des pirates, trempée par les vagues. Le 10
septembre, un navire de guerre espagnol détecte un « skiff »,
une embarcation légère, mais lorsqu'ils approchent, les hommes à
bord exhibent Évelyne Colombo, une kalachnikov pointée sur sa
tempe, les militaires font marche arrière. L'assaut sera finalement
donné quelques heures plus tard. Deux pirates seront tués, les
autres arrêtés.
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@Julien Jaulin |
Durant les interrogatoires, les accusés
ont chargés les deux pirates tués lors de l'assaut : le chef et son
adjoint les auraient recrutés pour 100 euros (une fortune en
Somalie) sans leur expliquer le but de cette mission. Pour Me Martin
Reynaud, l'un de leurs avocats, ce procès ne pourra se faire sans
comprendre la situation d'extrême pauvreté de la Somalie, où
l'espérance de vie ne dépasse pas les 55 ans. « La guerre,
la faim : pour qu'ils soient bien jugés, il faudra que la cour
comprenne de quel enfer ils viennent. » Paul Moreira, auteur
d'un documentaire sur la Somalie, sera d'ailleurs entendu durant le
procès, prévu pour durer jusqu'au 15 avril. Une autre de leurs
avocate, Me Elise Arfi, regrettait avant l'ouverture des débats :
« Quelle que soit l'issue de ce procès, la justice ne saura
pas quoi faire de ces hommes ».
Croquis d'audience : Julien Jaulin
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