Devant la présidente de la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Marc (1), en Terminale littéraire option musique au lycée autogéré de Paris, ne fait pas le malin: mains gentiment tenues devant lui, regard baissé. Il passe en comparution immédiate pour «jet de projectiles sur les forces de l’ordre en barrage» après avoir été arrêté le 31 mars 2016, à 15h25, rue Diderot (Paris 12e), dans un défilé contre la loi El Khomri. Les policiers sont formels : Marc était au «premier rang» du cortège, «une bouteille en verre dans la main gauche», «un bâton dans la main droite», lançant des «pierres quasiment aussi grosses que des balles de tennis» en direction des forces de l’ordre.
Marc raconte une arrestation musclée. «Plaqué violemment au sol» par deux policiers en civil, il est conduit au poste où il restera 48 heures en garde à vue. Et aujourd’hui, que souhaite-il? Ne pas aller en prison, décrocher son bac, percer avec ses deux groupes de musique – il est passionné de piano jazz. «Et aussi, ajoute –il, timide, j’ai oublié de vous dire que j’ai un travail non déclaré : le week-end, je travaille au marché des livres anciens.» Pas vraiment le profil du casseur... «C’est toujours la même défense : une erreur de casting!» s’agace l’avocat des parties civiles. «Il n’a pas signé les PV hors de la présence de son avocat, poursuit-il, c’est plutôt étonnant. » Comprenez ‘louche’... Les policiers, qui n’ont pas porté plainte, réclament tout de même 600 euros pour «préjudice moral». La procureur requiert cinq mois avec sursis.
Autre ambiance un étage plus haut. Dans une salle quasiment vide, Ali, la vingtaine lui aussi, comparait dans le box, puisqu’il est en détention à Fleury depuis son interpellation jeudi dernier, à 1h30 du matin, place de la République. Mauritanien arrivé en France il y a trois mois, il ne comprend pas un mot de français et s’exprime par le biais d’un interprète. Il dort dans la rue, n’a pas de travail. Les policiers l’ont vu jeter des pierres dans leur direction, il nie. «J’ai cru que c’était un mariage parce que j’ai entendu des tam-tam, ensuite les policiers se sont jetés sur moi et m’ont frappé avec leurs matraques.» «C’est une plaisanterie ?, s’étrangle le procureur. On a les témoignages des gendarmes qui sont des personnels assermentés, ce qu’ils ont vu fait foi. Qu’est ce qu’on veut de plus?» Quatre mois ferme requis. «Ce que j’entends aujourd’hui me révolte ! plaide, en défense, l’avocate Anne-Sophie Laguens. Ce jeune homme a traversé l’Europe par camion et bateau, via la Turquie, la Grèce, ce n’est pas pour venir jeter des pierres sur des policiers dans une manifestation à laquelle il ne comprend rien!» Suspension d’audience.
En bas de l’escalier, la 23e chambre rend son jugement : Marc est relaxé. « Évitez de traîner dans des manifestations à l’avenir, ça vous évitera les ennuis», lui glisse, sans rire, la présidente. Un étage plus haut, Ali est condamné à trois mois avec sursis. Lui semble soulagé. Il n’a pas encore compris que sa demande d’asile vient sans doute de lui passer sous le nez.
(1) Le prénom a été modifié
- Aviez-vous une bouteille en verre à la main ? l’interroge la présidente.
- Oui, on buvait une bouteille de bière avec des amis. C’était festif et d’un seul coup, c’est devenu le chaos.
- Soit on manifeste, soit on boit, on n’est pas censé s’alcooliser sur la voie publique. Aviez-vous un bâton à la main ?
- Non, c’était un porte-drapeau en plastique.
- Avec un drapeau au bout ?
- Oui, celui de la CGT (rires dans la salle).
- Vous êtes lycéen et vous brandissez un drapeau pour la CGT ?
- Oui, on est tous solidaires.
Marc raconte une arrestation musclée. «Plaqué violemment au sol» par deux policiers en civil, il est conduit au poste où il restera 48 heures en garde à vue. Et aujourd’hui, que souhaite-il? Ne pas aller en prison, décrocher son bac, percer avec ses deux groupes de musique – il est passionné de piano jazz. «Et aussi, ajoute –il, timide, j’ai oublié de vous dire que j’ai un travail non déclaré : le week-end, je travaille au marché des livres anciens.» Pas vraiment le profil du casseur... «C’est toujours la même défense : une erreur de casting!» s’agace l’avocat des parties civiles. «Il n’a pas signé les PV hors de la présence de son avocat, poursuit-il, c’est plutôt étonnant. » Comprenez ‘louche’... Les policiers, qui n’ont pas porté plainte, réclament tout de même 600 euros pour «préjudice moral». La procureur requiert cinq mois avec sursis.
Autre ambiance un étage plus haut. Dans une salle quasiment vide, Ali, la vingtaine lui aussi, comparait dans le box, puisqu’il est en détention à Fleury depuis son interpellation jeudi dernier, à 1h30 du matin, place de la République. Mauritanien arrivé en France il y a trois mois, il ne comprend pas un mot de français et s’exprime par le biais d’un interprète. Il dort dans la rue, n’a pas de travail. Les policiers l’ont vu jeter des pierres dans leur direction, il nie. «J’ai cru que c’était un mariage parce que j’ai entendu des tam-tam, ensuite les policiers se sont jetés sur moi et m’ont frappé avec leurs matraques.» «C’est une plaisanterie ?, s’étrangle le procureur. On a les témoignages des gendarmes qui sont des personnels assermentés, ce qu’ils ont vu fait foi. Qu’est ce qu’on veut de plus?» Quatre mois ferme requis. «Ce que j’entends aujourd’hui me révolte ! plaide, en défense, l’avocate Anne-Sophie Laguens. Ce jeune homme a traversé l’Europe par camion et bateau, via la Turquie, la Grèce, ce n’est pas pour venir jeter des pierres sur des policiers dans une manifestation à laquelle il ne comprend rien!» Suspension d’audience.
En bas de l’escalier, la 23e chambre rend son jugement : Marc est relaxé. « Évitez de traîner dans des manifestations à l’avenir, ça vous évitera les ennuis», lui glisse, sans rire, la présidente. Un étage plus haut, Ali est condamné à trois mois avec sursis. Lui semble soulagé. Il n’a pas encore compris que sa demande d’asile vient sans doute de lui passer sous le nez.
(1) Le prénom a été modifié
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