Au faîte de sa réussite, Younès Bounouara voyageait dans le jet privé de Serge Dassault et pesait 130 kilos de plus. « Vous voilà du temps de votre splendeur », lâche le président de la cour d'assises d'Evry (Essone), lorsqu'apparaît sur l'écran une photo de l'accusé, visage rond, tout sourire, un bras sur l'épaule de l'industriel, cinquième fortune de France.
Aujourd'hui, derrière les vitres du box des accusés, Younès Bounouara a le visage gris et émacié, cheveux plaqués sur la tête et retenus par un catogan. Mais il n'a rien perdu de sa tchatche et de son assurance qui ont certainement séduit les puissants. « Je suis content d'être ici, jugé par des gens comme moi, lance-t-il aux jurés. C'est dommage qu'on en soit arrivé là, que ces gens-là avec qui j'ai grandi m'aient poussé à bout à ce point. »
Son regard se tourne vers le banc des parties civile : Fatah Hou, un bras encore blessé, aujourd'hui invalide à 80% après s'être fait tiré dessus par l'accusé le 19 février 2013, secoue la tête. C'est peu dire que les deux hommes se connaissent. En 2009, Fatah Hou a fait parti du « groupe de citoyens » qui ont témoigné devant le Conseil d'Etat et fait invalider l'élection de Serge Dassault. Quelques mois avant de se faire tirer dessus, avec René Andrieu, l'autre partie civile du procès, ce boxeur professionnel de 34 ans avait piégé Dassault en caméra cachée (lire Gros Lézard et le système Dassault) à propos d’une affaire d’achats de voix présumés.
C'est dire si le « système Dassault » est au cœur de ce procès. Mais l'avionneur, maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, n'apparaîtra qu'en photo devant la cour d'assises. Cité comme témoin par une partie civile, il a fait savoir par son avocat que son « calendrier » ne lui permettait pas de se présenter devant la cour, étant en déplacement à l'étranger. Les six jurés populaires et les trois magistrats professionnels mobilisés jusqu'au 18 mai apprécieront. Quant à Jean-Pierre Bechter, actuel maire de Corbeil-Essonnes, il a produit un certificat médical attestant qu'il ne pouvait se déplacer devant une cour d'assises. Après des problèmes de santé à l'été dernier, l'édile est pourtant de nouveau aux commandes de sa ville depuis le 16 novembre 2015.
Reste plusieurs adjoints et proches collaborateurs de Dassault qui seront entendus vendredi. En attendant, la cour d'assises s'est penchée sur le parcours de Younès Bounouara. Deux hommes y font figure de mentors ou de « père de substitution » - le sien est mort d'un cancer quand il avait cinq ans, laissant sa femme seule avec sept enfants. D'abord, Bruno Piriou, aujourd'hui conseiller municipal Front de gauche, qu'il rencontre adolescent. « Il a besoin de repères et devient proche des jeunesses communistes », raconte à la barre l'enquêtrice de personnalité. Younès manifeste pour la libération de Mandela.
Puis, un jour de 1995, il fait la connaissance de Serge Dassault. L'industriel, venu arpenter le quartier des Tarterêts, a pris une pierre sur la tête. Younès l'emmène à la pharmacie. « C'est la rencontre d'une vie », résume son avocat David Olivier Kaminski. A l'époque, Bounouara a déjà basculé dans la délinquance. Il a même fait trois mois de prison l'année précédente. Parallèlement, il est devenu un personnage médiatique des Tarterêts après son passage dans un reportage de France 2. L'un des producteurs le décrit comme un jeune homme « insolant, bravache, sympathique et lumineux ». Le nouveau maire l'utilise comme « référent positif ». « Il s'était rendu compte, explique Bounouara aujourd'hui, que les seuls qui faisaient rêver les jeunes, c'était des voyous. » Intermédiaire entre les jeunes des cités et la municipalité, il est appelé en urgence, la nuit, en cas d'émeutes.
Après sa rencontre avec Dassault, Bounouara grimpe vite les échelons. « Il a été un ascenseur social », dit-il simplement de l'industriel. Rapidement, il travaille comme chauffeur pour l'un de ses adjoints. Puis créé plusieurs sociétés dans le nettoyage, le bâtiment, la sécurité et obtient des contrats avec la ville. Quand il se rend à la justice en novembre 2013, après huit mois de cavale en Algérie, il déclare entre 10 000 et 11 000 euros de revenus mensuels.
« Vous étiez un homme de poids dans tous les sens du terme », lui dit le président. La cassure date de 2008-2009. Alors que l'élection de Serge Dassault est contestée devant le Conseil d'Etat, Bounouara perd plus de 100 kg en six mois. « Cet amaigrissement s'est traduit par une perte d'autorité », résume le président. « Quand vous faites 200 kilos vous êtes impressionnant, répond Bounouara. Et quand vous perdez la moitié de votre corps, vous vous sentez faible... »
En détention provisoire à la prison de Fresnes depuis deux ans et demi, Younès Bounouara ne rate aucun cours de soutien scolaire - il prépare un bac sciences et techniques du management -, fait beaucoup de sport, s'est inscrit aux ateliers échecs et sculpture. Marié, il est père de six enfants.
« Pourquoi passer le bac en prison ? », lui demande le président. « Pour me mettre en concurrence avec ma fille qui passe le même ! Si j'y arrive en prison, elle peut le faire. Et puis, ça peut m'aider pour monter des sociétés. »
Accusé de tentative d'assassinat, Younès Bounouara risque la réclusion criminelle à perpétuité.
Aujourd'hui, derrière les vitres du box des accusés, Younès Bounouara a le visage gris et émacié, cheveux plaqués sur la tête et retenus par un catogan. Mais il n'a rien perdu de sa tchatche et de son assurance qui ont certainement séduit les puissants. « Je suis content d'être ici, jugé par des gens comme moi, lance-t-il aux jurés. C'est dommage qu'on en soit arrivé là, que ces gens-là avec qui j'ai grandi m'aient poussé à bout à ce point. »
Son regard se tourne vers le banc des parties civile : Fatah Hou, un bras encore blessé, aujourd'hui invalide à 80% après s'être fait tiré dessus par l'accusé le 19 février 2013, secoue la tête. C'est peu dire que les deux hommes se connaissent. En 2009, Fatah Hou a fait parti du « groupe de citoyens » qui ont témoigné devant le Conseil d'Etat et fait invalider l'élection de Serge Dassault. Quelques mois avant de se faire tirer dessus, avec René Andrieu, l'autre partie civile du procès, ce boxeur professionnel de 34 ans avait piégé Dassault en caméra cachée (lire Gros Lézard et le système Dassault) à propos d’une affaire d’achats de voix présumés.
C'est dire si le « système Dassault » est au cœur de ce procès. Mais l'avionneur, maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, n'apparaîtra qu'en photo devant la cour d'assises. Cité comme témoin par une partie civile, il a fait savoir par son avocat que son « calendrier » ne lui permettait pas de se présenter devant la cour, étant en déplacement à l'étranger. Les six jurés populaires et les trois magistrats professionnels mobilisés jusqu'au 18 mai apprécieront. Quant à Jean-Pierre Bechter, actuel maire de Corbeil-Essonnes, il a produit un certificat médical attestant qu'il ne pouvait se déplacer devant une cour d'assises. Après des problèmes de santé à l'été dernier, l'édile est pourtant de nouveau aux commandes de sa ville depuis le 16 novembre 2015.
Reste plusieurs adjoints et proches collaborateurs de Dassault qui seront entendus vendredi. En attendant, la cour d'assises s'est penchée sur le parcours de Younès Bounouara. Deux hommes y font figure de mentors ou de « père de substitution » - le sien est mort d'un cancer quand il avait cinq ans, laissant sa femme seule avec sept enfants. D'abord, Bruno Piriou, aujourd'hui conseiller municipal Front de gauche, qu'il rencontre adolescent. « Il a besoin de repères et devient proche des jeunesses communistes », raconte à la barre l'enquêtrice de personnalité. Younès manifeste pour la libération de Mandela.
Puis, un jour de 1995, il fait la connaissance de Serge Dassault. L'industriel, venu arpenter le quartier des Tarterêts, a pris une pierre sur la tête. Younès l'emmène à la pharmacie. « C'est la rencontre d'une vie », résume son avocat David Olivier Kaminski. A l'époque, Bounouara a déjà basculé dans la délinquance. Il a même fait trois mois de prison l'année précédente. Parallèlement, il est devenu un personnage médiatique des Tarterêts après son passage dans un reportage de France 2. L'un des producteurs le décrit comme un jeune homme « insolant, bravache, sympathique et lumineux ». Le nouveau maire l'utilise comme « référent positif ». « Il s'était rendu compte, explique Bounouara aujourd'hui, que les seuls qui faisaient rêver les jeunes, c'était des voyous. » Intermédiaire entre les jeunes des cités et la municipalité, il est appelé en urgence, la nuit, en cas d'émeutes.
Après sa rencontre avec Dassault, Bounouara grimpe vite les échelons. « Il a été un ascenseur social », dit-il simplement de l'industriel. Rapidement, il travaille comme chauffeur pour l'un de ses adjoints. Puis créé plusieurs sociétés dans le nettoyage, le bâtiment, la sécurité et obtient des contrats avec la ville. Quand il se rend à la justice en novembre 2013, après huit mois de cavale en Algérie, il déclare entre 10 000 et 11 000 euros de revenus mensuels.
« Vous étiez un homme de poids dans tous les sens du terme », lui dit le président. La cassure date de 2008-2009. Alors que l'élection de Serge Dassault est contestée devant le Conseil d'Etat, Bounouara perd plus de 100 kg en six mois. « Cet amaigrissement s'est traduit par une perte d'autorité », résume le président. « Quand vous faites 200 kilos vous êtes impressionnant, répond Bounouara. Et quand vous perdez la moitié de votre corps, vous vous sentez faible... »
En détention provisoire à la prison de Fresnes depuis deux ans et demi, Younès Bounouara ne rate aucun cours de soutien scolaire - il prépare un bac sciences et techniques du management -, fait beaucoup de sport, s'est inscrit aux ateliers échecs et sculpture. Marié, il est père de six enfants.
« Pourquoi passer le bac en prison ? », lui demande le président. « Pour me mettre en concurrence avec ma fille qui passe le même ! Si j'y arrive en prison, elle peut le faire. Et puis, ça peut m'aider pour monter des sociétés. »
Accusé de tentative d'assassinat, Younès Bounouara risque la réclusion criminelle à perpétuité.
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