Le procès sur les mensonges
de Jérôme Cahuzac, poursuivi pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale
et fausse déclaration de patrimoine, pourra certainement éclairer les futurs
étudiants en droit sur le concept de « vérité judiciaire ». « La
vérité que j'ai décidé de dire n'est pas une stratégie, tente l'ancien ministre
du Budget à la barre. La vérité, c'est la vérité. » Aimablement, le
président de la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, Peimane
Ghaleh-Marzban, chargé de le juger jusqu'au 15 septembre, le reprend :
« Je ne veux pas être intrusif sur le rapport à la vérité M. Cahuzac, mais
l'invoquer dans un dossier où il y a des évolutions de propos peut être...
complexe. »
Ce matin, les débats sont
revenus sur la « vérité » révélée par Jérôme Cahuzac à l'ouverture de
son procès, lundi. L'ancien ministre du Budget avait alors affirmé que son
compte ouvert en Suisse en 1992 avait servi à dissimuler le financement occulte
des activités politiques de feu Michel Rocard. Mais Jean Marc Toublanc, le vice-procureur
du parquet national financier, n'y croit pas. « Après sa défaite
historique (aux élections européennes de 1994, NDLR), des laboratoires
pharmaceutiques sont prêts à donner un demi-million à Michel
Rocard ? » « Un pari sur l'avenir », tente Jérôme Cahuzac.
Difficile, en effet, de
comprendre comment les Rocardiens ont pu constituer un tel trésor de guerre
sans y toucher une seule fois...
Le président : « Cet argent doit servir au financement de la structure, mais il n'est pas mobilisé, pourquoi ?- Soit les besoins n'étaient pas ceux là, soit d'autres ressources ont été trouvées. Je n'ai pas été le seul à faire ça, j'en ai la conviction. »
En 1993, Jérôme Cahuzac
transfert les fonds du compte ouvert par son « ami » Philippe
Péninque, aujourd'hui proche de Marine Le Pen, à la banque Reyl. « Par
loyauté envers Philippe Péninque, j'ai décidé de prendre un compte à mon nom,
explique aujourd'hui l'ancien ministre socialiste. Je ne vois pas pourquoi Philippe
Péninque aurait pris des risques pour un parti qui n'est pas le sien, contre
lequel il se bat, juste par amitié pour moi. » Quand la banque lui demande
un nom de code, Cahuzac choisit « Birdie », « plus en référence
au chanteur de jazz Charlie Parker qu'au golf », explique t-il aujourd'hui,
gêné, bien obligé de reconnaître que « tout ceci est ridicule ».
Le compte suisse ne connaît
pas de mouvement jusqu'en avril 2000 et juillet 2001, lorsque deux versements
en espèces apparaissent sur le compte : 105 000 et 91 150 francs suisses
(environ 70 000 et 60 000 euros à l'époque). A la barre, Jérôme Cahuzac
explique avoir opéré, comme chirurgien d'implants capillaires, une
« dizaine de patients », à l'étranger, durant « une demi-semaine ».
« Je suis payé en espèces, c'est beaucoup d'argent. Je n'ose pas rentrer
en France avec tout cet argent que j'aurais dû déclarer à la douane. Je
téléphone donc à la banque Reyl pour placer l'argent. En quatre, cinq heures,
ils sont sur place. Ça a été assez simple. »
« Ça ne constitue pas un frein d'être parlementaire ? », lui demande le président (Jérôme Cahuzac a été élu député en 1997).
Le président insiste : « Mais vous pensez à quoi à ce moment-là ? En tant que parlementaire ?- La vérité m'accable d'autant plus qu'elle se répétera l'année suivante.- Est-ce que vous n'êtes pas effaré de ce que vous faites ?- Au fond, non. »
- Souhaitez-vous que je m'accable davantage ? Je reconnais ce que j'ai fait, j'essaye de l'assumer.- Voyez-vous M. Cahuzac, on ne peut sonder les cerveaux, les âmes et les cœurs. Notre responsabilité va être de savoir ce que l'on va faire de tout ça. La question est : Monsieur Cahuzac est-il un homme cynique, duplice, d'une froideur incroyable, pouvant faire une chose et son contraire ? Ou un homme avec d'autres difficultés ? C'est pour cela que nous vous poussons dans vos retranchements...- Il y a en moi quelqu'un qui a fait ça, ça a révélé cette part de moi-même dont j'aurais voulu qu'elle n'existe jamais. »
L'introspection n'ira pas
plus loin. Mais l'impressionnante carapace de Jérôme Cahuzac semble se fissurer
à l'évocation d'un dernier point : pourquoi a-t-il donné procuration à sa
femme sur le compte suisse censé cacher le butin rocardien ? Un long
silence, puis l'ancien ministre reprend son souffle et se lance :
« J'ai des comportements à risque. Sur le plan sportif. Je fais de la
chasse sous-marine à des profondeurs conséquentes. Je fais de la randonnée et
la montagne peut être dangereuse. S'il m'arrive quelque chose, qu'est-ce qu'il
se passe ? » « Pourquoi ne pas mettre le nom d'un autre proche
de Michel Rocard ? » s'étonne le vice-procureur. « Ils auraient
refusé, répond le prévenu. J'ai la conviction que ma femme aurait donné
l'argent si quelqu'un le lui avait demandé. » Patricia Ménard, ex-épouse
Cahuzac, devrait être entendue demain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire