mercredi 24 mai 2017

Les sacs de cash de monsieur l'ambassadeur

Il est l'incarnation de la génération « bling-bling ». Celle que Nicolas Sarkozy a porté aux nues et au pouvoir. Devant la XIe chambre du tribunal correctionnel de Paris, Boris Boillon n'a rien perdu de sa superbe. Costume chic sur un corps musclé - dont chacun se souvient pour l'avoir vu en slip de bain lorsqu'il était ambassadeur en Tunisie -, il se défend avec arrogance, coupe la parole et multiplie les injonctions. « Je suis un grand sportif, j'aime sortir de ma zone de confort », lance t-il au président du tribunal, Peimane Ghaleh-Marzban, qui lui demande pourquoi il a quitté la fonction publique pour se lancer dans le privé. En réalité, l'ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy a fui le quai d'Orsay à l'arrivée de François Hollande. Celui qui a fait sienne la devise d'Henri Bergson « Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action » craignait de végéter dans un placard.

Le voici donc businessman en Irak. Pourquoi ce pays ? interroge le président. « Ma valeur ajoutée est d'aller dans les endroits difficiles, de mériter le salaire de la peur ». Sous la signature de sa nouvelle société, Boris Boillon mentionne « ancien ambassadeur ». « Vous avez beaucoup de mal avec la notion de conflit d'intérêt », le tacle le procureur de la République, qui dit ne pas comprendre son rôle « nébuleux » en Irak. « Le commerce est une autre façon de servir mon pays, j'aidais les entreprises à s'implanter, explique celui qui maîtrise parfaitement l'arabe. En 2012, l'Irak sortait de la guerre civile, il fallait du pain et des jeux pour le peuple. » A Nassiriya, dans le Sud du pays, il dit aider à la construction d'un stade olympique de 30 000 places en mettant en relation maîtres d’œuvre et intermédiaires locaux.

Mais pour Boris Boillon, tout s'écroule le 31 juillet 2013, sur le quai numéro 8 de la Gare du Nord, alors qu'il est sur le point d'embarquer dans un train pour Bruxelles. Aux douaniers qui lui demandent s'il doit déclarer des sommes supérieures à 10 000 euros, il répond « non ». La fouille de son sac révèle pourtant 350 000 euros et 40 000 dollars en billets de banque. Ses revenus gagnés à Nassiriya assure Boris Boillon devant le tribunal en mettant en cause les défaillances du système bancaires irakien où tout est payé en liquide. « Si c'était à refaire, je le referai, je ne vois vraiment pas comment j'aurais pu faire autrement ». L'ancien ambassadeur rapatrie clandestinement cet argent par avion en France avant de le cacher dans un studio parisien et même dans un trou creusé près de sa cave. « Je me suis fait une montagne de cet acte simple : mettre cet argent qui me brûlait les mains dans une banque. J'étais comme une poule autour d'un couteau. »

Des « regrets nombrilistes » pour le procureur de la République qui a requis hier matin 18 mois de prison avec sursis assortis d'une interdiction d'exercer toute fonction publique et commerciale pendant cinq ans. A la barre, Boris Boillon a expliqué avoir cessé toute activité en Irak en septembre 2014 après l'arrivée de Daech. « Tout mes projets ont été stoppés, une perte gigantesque pour moi. » Il a réintégré le quai d'Orsay, où il effectue des missions diplomatiques ponctuelles. Sur les rives de l'Euphrate, le stade de Nassiriya est lui toujours en friche. Le chantier a été définitivement arrêté en 2015, alors que 70% du bâtiment avait été construit.

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