lundi 31 mars 2014

28 ans après le double meurtre de Montigny-lès-Metz, l'ultilme procès ?


Il est 18 h 30, ce dimanche 28 septembre 1986 à Montigny-lès-Metz (Moselle), lorsque les parents Beckrich, inquiets de ne pas voir rentrer leur fils Alexandre, partent à sa recherche. À 19 h 20, la mère appelle le commissariat. Moins de trente minutes plus tard, les policiers découvrent, sur un talus de voies ferrées, à quelques dizaines de mètres de leurs domiciles, les corps sans vie et atrocement mutilés de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, deux copains de huit ans. Leurs crânes ont été fracassés à coups de pierre.


Vingt-huit ans après ce double meurtre, un quatrième procès d’assises s’ouvre ce matin au tribunal de Metz. Il pourrait permettre de faire enfin la lumière sur cette affaire, qui, après des décennies d’errements de la justice et des enquêteurs, reste toujours un mystère. La vérité dans ce dossier n’a cessé de se dérober, ajoutant au deuil des familles un long cauchemar judiciaire.

C’est grâce à l’acharnement de Gabrielle Beining – la mère du petit Cyril –, aujourd’hui âgée de soixante-dix ans, que Francis Heaulme comparaît jusqu’au 24 avril devant les assises de Metz. « C’est le procès de la dernière chance », dit-elle, convaincue de la culpabilité du tueur en série. Les Beckrich, s’ils appréhendent « ce procès qui va raviver des blessures », ont aussi « l’espoir d’arriver enfin à la vérité », confie leur avocat, Me Thierry Moser.

Cette vérité, les familles ont cru la connaître dès 1987, lorsqu’un jeune apprenti cuisinier introverti avoue, après trente-six heures de garde à vue, le meurtre des deux enfants. Il se rétractera par la suite. Trop tard. Patrick Dils est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1989. Dès lors, celui qui signe ses lettres « l’innocent incompris » va entamer un long chemin judiciaire pour être finalement innocenté, à l’issue d’un troisième procès en 2002. Le gamin de seize ans a fait quinze ans de prison. Reconnu victime de l’une des plus graves erreurs judiciaires françaises, il obtient 1 million d’euros de l’État.

Et l’enquête repart de zéro. Si ce n’est que, depuis le début, plane la piste Francis Heaulme. Du 8 septembre au 8 octobre 1986, le tueur en série est employé comme manœuvre par une entreprise qui se trouve à 400 mètres du lieu du crime. En 1992, entendu par le gendarme Jean-François Abgrall, il raconte une promenade à vélo le long d’une voie ferrée dans l’est de la France. Il dit avoir reçu des pierres jetées par deux enfants puis être repassé sur les lieux plus tard pour y trouver les deux garçons morts. À l’époque, les enquêteurs tentent de poursuivre cette piste. En vain : les meurtres, considérés comme résolus, ne figurent plus dans les bases de données.

L’affaire aurait pu en rester là si les proches de Patrick Dils, persuadés de son innocence, n’avaient continué sans relâche à soulever la piste Heaulme. En mars 2002, un rapport d’enquête déclare que le crime de Montigny-lès-Metz porte sa « quasi-signature criminelle » : vulnérabilité des victimes, déshabillage partiel, extrême violence des crimes, cordelette et excréments retrouvés sur les lieux, séjour en hôpital psychiatrique peu après.

En 1986, Francis Heaulme n’est pas encore le « routard du crime » condamné sept fois pour neuf meurtres. Mais sa vie a déjà basculé. Deux ans auparavant, sa mère adorée est décédée d’un cancer. Il s’est mis à boire, a perdu son emploi et commencé une vie d’errance. À vingt-sept ans, il vit chez sa grand-mère à Vaux, à moins de sept kilomètres de Montigny-lès-Metz. Il est déjà passé à l’acte. En novembre 1984, il a sauvagement égorgé Lyonelle Gineste, dix-sept ans, dans une forêt près de Pont-à-Mousson. Meurtre pour lequel il sera condamné à trente ans de réclusion en 1999.

Dans l’affaire de Montigny, comme dans les autres, il nie les faits, brouille les pistes, multiplie les déclarations contradictoires, accuse un autre. « Ils veulent un coupable idéal », déclare-t-il lors d’un récent examen psychiatrique en prison. Pour lui, le coupable s’appelle Henri Leclaire, le premier à s’accuser du double meurtre en 1986. Mais les enquêtes l’ont systématiquement mis hors de cause et il sera présent au procès en tant que témoin, comme Patrick Dils.
Jusqu’au 23 avril, 80 témoins se succéderont à la barre. Sans aveux ni preuves matérielles, leurs auditions seront cruciales. De nombreuses pièces à conviction, dont certaines auraient pu permettre des vérifications ADN, ont aujourd’hui disparu. Les pierres, initialement placées sous scellés, ont été détruites en 1995, six ans après la condamnation de Patrick Dils.

Reste le témoignage de ces pêcheurs, qui assurent avoir vu Heaulme ce jour-là, un peu avant 19 heures, avec du sang sur le visage. Ou encore cette lettre, écrite par Francis Heaulme le 10 mars 2005 à son codétenu Pascal Michel : « J’ai plus d’affaire. Je suis tranquille pour Montigny-les-Metz il peve pas dire que sais moi parceque persone ma vu faire ça. »

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