Il est un peu plus de 9 h 30, à la cour d’assises de Paris, lorsque l’avocat général se lève. Dans sa robe rouge bordée d’hermine, Bruno Sturlese se tourne vers les jurés : « Je vous le confesse, je ne pourrai plus jamais être le même homme. Et je sais que vous pensez tous la même chose que moi. » Le procès de Pascal Simbikangwa a repris, hier, toute sa solennité avec le réquisitoire à deux voix du ministère public. Quelques minutes après 19 heures, après huit heures de réquisitoire, l'avocat général a demandé la réclusion criminelle à perpetuité.
« Ce procès est bien notre affaire à tous, avait commencé Bruno Sturlese. Un génocide interpelle chaque citoyen du monde. » Citant Vidal-Naquet, le représentant du ministère public fustige les « assassins de la mémoire » qui osent ergoter sur le génocide des Tutsi. « Ce procès est un remède contre l’oubli, précieux pour notre vigilance collective », dit-il, rappelant le jugement du Tribunal pénal international pour le Rwanda du 11 décembre 2006 selon lequel le génocide des Tutsi est un « fait non raisonnablement discutable ».
Durant six semaines de débats, la cour a « plongé dans l’innommable », une « descente aux enfers » qui a transporté juges et jurés au printemps 1994, lorsque ce pays de collines verdoyantes grandes comme la Bretagne se transforme en un « charnier humain sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale ». En quatre-vingt-dix jours, 75 % de la population tutsie est exterminée. Les Hutu modérés ne seront pas épargnés. Depuis des mois, des années, tout était préparé. « Le génocide spontané n’existe pas », a martelé la vice-procureure Aurélia Devos, chef du pôle crimes contre l’humanité
de Paris.
Le rôle de Pascal Simbikangwa durant ces jours sombres ne fut pas simple à établir. « Vous ne nous avez pas facilité la tâche pour comprendre qui vous étiez à l’époque des faits, a regretté Bruno Sturlese. Vous avez excellé dans l’art du flou, de l’usurpation. » Pourtant, ironise l’avocat général, l’accusé, qui connaît les cotes du dossier mieux que lui, n’a pas « de problèmes de mémoire »… Se tournant soudain vers l’ancien dignitaire hutu, le représentant du ministère public lance : « Vous êtes un grand falsificateur ! » Son nom, sa date de naissance, son origine, ses parents… Pascal Simbikangwa a changé plusieurs fois de version sur son histoire personnelle, mais aussi sur son rôle avant et pendant le génocide.
Le rôle de Pascal Simbikangwa durant ces jours sombres ne fut pas simple à établir. « Vous ne nous avez pas facilité la tâche pour comprendre qui vous étiez à l’époque des faits, a regretté Bruno Sturlese. Vous avez excellé dans l’art du flou, de l’usurpation. » Pourtant, ironise l’avocat général, l’accusé, qui connaît les cotes du dossier mieux que lui, n’a pas « de problèmes de mémoire »… Se tournant soudain vers l’ancien dignitaire hutu, le représentant du ministère public lance : « Vous êtes un grand falsificateur ! » Son nom, sa date de naissance, son origine, ses parents… Pascal Simbikangwa a changé plusieurs fois de version sur son histoire personnelle, mais aussi sur son rôle avant et pendant le génocide.
Il se présente comme un petit fonctionnaire placardisé au service des renseignements, avant d’être mis au « chômage » ? Pour le ministère public, au contraire, « Pascal Simbikangwa est un dignitaire puissant et intouchable, un serviteur zélé et redouté du régime Habyarimana aux idées radicales et extrémistes ». Dans son box de verre, en chemise rose et gilet gris, l’accusé secoue frénétiquement la tête. Et l’avocat général de décrire un « spécialiste de l’action trouble et brutale », qui aime la « manipulation des esprits et la persécution des corps ». Un homme « capable du pire ».
Ce « pire » sera largement abordé pendant cette journée de réquisitoire. Avant le génocide, Pascal Simbikangwa est actionnaire-fondateur de la radiotélévision des Mille Collines (RTLM), la « radio machette » qui égrène les listes des Tutsi à éliminer. À partir du 6 avril 1994, alors que les massacres font rage – et que Pascal Simbikangwa pousse le cynisme jusqu’à dire qu’il n’a pas vu un seul cadavre au printemps 1994 à Kigali –, plusieurs témoins sont venus à la barre rappeler qu’il stockait des armes chez lui, avant de les distribuer aux interhamwes, ces jeunes miliciens dressés à tuer.
Ces armes seront ensuite utilisées aux barrières, filtres meurtriers qui quadrillent Kigali, où les cadavres de Tutsi s’amoncellent. « Ces armes ont tué et il le savait », a tonné Aurélia Devos. Des témoins l’ont aussi vu encourager et féliciter les gardiens de ces barrières.
Pour la vice-procureure, « ces mots d’ordre qui alimentent et légitiment ont permis pendant cent jours le crime des crimes » : le génocide. « Rappelez-vous, a-t-elle lancé aux jurés, que Pascal Simbikangwa fut le dernier à quitter Kigali. »
Aujourd’hui, la parole est à la défense, qui devrait s’attacher à mettre en cause la fiabilité des témoins. Le verdict est attendu vendredi, à quelques semaines des commémorations des vingt ans du génocide.
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