Dans son box de verre, l’accusé ose un rictus. Me Emmanuel Daoud vient d’ironiser sur la dédicace de son deuxième ouvrage : « Au maréchal Mobutu ». « Je suis content de vous voir sourire », lui lance l’avocat de la Fédération internationale des droits de l’homme.
C’est dans une étrange ambiance que se termine, à la cour d’assises de Paris, le procès de Pascal Simbikangwa, jugé pour complicité de crimes contre l’humanité et génocide. Il est le premier présumé génocidaire rwandais jugé en France grâce au principe de la compétence universelle. Mais sous les zooms des caméras qui rappellent que se tient ici un procès historique, jurés, juges, avocats et accusé cohabitent dans une atmosphère étonnamment décontractée.
On est loin de Nuremberg. Le public et la presse ont déserté les lieux. Commençant lundi leurs plaidoiries, les avocats des parties civiles ont tenté de rendre concret ce génocide si lointain. Les premières concernées, les victimes, ont été les grandes absentes des débats. « Comment, dès lors, toucher du doigt ce qu’un million de morts signifie ? » s’interroge Me Reingewirtz, avocat de la Licra. C’est toute la question de ce premier procès : comment juger des crimes commis il y a vingt ans, à 6 000 kilomètres de Paris ?
« Ce procès n’est pas celui d’un génocide mais celui d’un homme », a rappelé Me Patrick Baudoin, de la LDH. Dans sa chaise roulante, Pascal Simbikangwa, qui a largement participé aux débats, ne bronche pas. Il s’est fait installer une petite table d’où il prend frénétiquement des notes, levant parfois les yeux au ciel. « Après cinq semaines d’audience, le sentiment d’irréalité a disparu », veut croire Me Emmanuel Daoud, l’avocat de la Fidh. Il faut, dit-il, « dépasser le fossé entre l’horreur des faits et l’apparente banalité de l’accusé ».
Loin du petit fonctionnaire sans influence présenté par la défense, les
parties civiles se sont attachées à dresser le portrait d’un menteur,
manipulateur, brillant militaire et tacticien, rendu aigri par un
accident de voiture qui le cloue dans un fauteuil roulant en 1986. Un
dignitaire hutu, proche des plus hauts cercles du pouvoir, qui aurait
largement contribué à la propagande anti-Tutsi avant le génocide et à la
distribution des armes pendant. Il aurait sauvé une cinquantaine de
Tutsis, réfugiés chez lui ? Me Baudoin, pour la LDH, y voit le syndrome
de « tueur-sauveteur » : « Sauver un Tutsi est une façon de ne pas
basculer entièrement dans l’inhumanité, des nazis ont aussi sauvé des
juifs. » Et Me Daoud de lui lancer : « Vous n’êtes pas un juste
capitaine, vous êtes un assassin. » Le réquisitoire de l’avocat général
est attendu ce mercredi.
De la Shoah au Rwanda.
Mardi,
plusieurs rescapés des camps de la mort nazis ont assisté à l’audience
pour manifester leur « solidarité »
avec les victimes du génocide
rwandais. Parmi eux, Léon Zyguel, dernier témoin à charge dans le procès
Papon, déporté
à Auschwitz puis à Buchenwald à l’âge de dix-huit ans,
et Yvette Levy, déportée à Birkenau. Étaient également
présents des
représentants de l’association Buchenwald
et des amicales de
Neuvenganne et Mauthausen.
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