jeudi 6 février 2014

Rwanda, « un homme de l’ombre » à la barre

Qui est vraiment Pascal Simbikangwa ? Depuis mardi, la cour d’assises de Paris étudie la personnalité de cet ancien militaire hutu, jugé pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide. Mais le portrait est difficile, tant l’homme apparaît fuyant, manipulateur et paranoïaque. Premier problème : l’identité même du Rwandais enfermé dans le box en verre des accusés est floue. Il se présente comme Safari Pascal, nom qu’il aurait adopté en 1993 pour « se protéger ». À l’instruction, il dit d’abord avoir été adopté par son oncle et sa tante, après la mort de ses parents, avant de revenir sur cette version. Sa mère serait donc tutsi.



Entendue par la cour hier, Julie Landry, chargée de l’enquête de personnalité, a raconté hier que Pascal Simbikangwa avait grandi dans « un cadre de vie aisé ». L’accusé indique qu’il a eu une « scolarité brillante » avant d’intégrer une école militaire, où il « gagne de prestigieux championnats militaires ». En 1983, il intègre le saint des saints : la garde présidentielle, où il accède au grade de capitaine. En 1986, cette ascension professionnelle est brusquement stoppée lorsque Pascal Simbikangwa perd l’usage de ses jambes après un accident de la route. Il est hospitalisé un an en Belgique. « J’étais un capitaine de la garde présidentielle coupé en deux. M’envoyer à Bruxelles pour me soigner, c’était la moindre des choses !» Transféré au civil, il intègre le service du renseignement intérieur (SCR) où il est notamment chargé de contrôler la presse. Plus précisément de « raisonner des journalistes », « discuter avec eux parce qu’ils étaient à la dérive ». Des mots glaçants quand on entend les témoignages de tortures lus ensuite par le président. De la « désinformation », tranche Simbikangwa. Interrogé longuement sur sa place hiérarchique au sein du SCR, l’ancien dignitaire se fait brusquement modeste : «J’étais un simple agent. En Afrique, il est très compliqué pour un handicapé d’avoir une position sociale. » « Vous étiez un homme de l’ombre », résume le président.

Mielleux avec celui-ci, son ton se fait hautain quand il répond à l’avocat général. « Si vous ne connaissez pas le dossier rwandais, c’est dommage. Dans le temps, on tuait comme des mouches », lance-t-il au représentant du ministère public qui l’interroge sur les gardes du corps dont il bénéficiait à plein temps. « Pour le FPR (Front patriotique rwandais – NDLR), j’étais le diable, il fallait m’effacer. »

L’homme voue au président Habyarimana, une « admiration importante et exclusive », « égale à celle qu’il portait à son épouse », explique Julie Landry. Était-il adhérent du parti unique de l’époque ? «Jamais. » Et les nombreux témoignages qui attestent de son militantisme ? Le fait des « affabulateurs » et autres « délateurs », qui veulent de l’argent ou une réduction de peine. On le dit membre de l’Akazu, ce cercle de proches du président, qui joua un rôle important au temps du génocide ? « L’Akazu est une création des médias occidentaux », lâche-t-il.

Après 1992 et l’instauration du multipartisme, Simbikangwa est mis de côté au service de renseignement et consacre son temps libre à écrire des livres et des articles de presse. « Vous aviez le temps ? » lui demande le président. « Mais monsieur, j’étais au chômage ! » Il aura même le temps d’investir dans la Radio des mille collines, tristement rebaptisée Radio machettes après le génocide. « J’étais démocrate, je voulais la liberté de l’information. »

Une demande de nullité rejetée  
 La cour d’assises a rejeté mardi la demande de nullité 
des défenseurs de Pascal Simbikangwa, qui souhaitaient l’arrêt du procès pour « inégalité des armes ». Les conseils disent avoir dû se partager 1 200 euros hors taxe pour leur travail durant l’instruction. Ils ont aussi dénoncé les conditions de détention 
de leur client, notamment à Mayotte, où il était « traité comme 
un chien » et, entre autres, privé « d’accès aux toilettes ».

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