Il est un peu moins de 10 heures, hier matin, lorsque
l'Internationale retentit dans la 24e chambre du tribunal
correctionnel de Paris. Personne ne bronche, à peine quelques
sourires sur les bancs du public. Car l'affaire est grave. Si
plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place
Saint-Michel à quelques mètres du palais de justice – dont les
chants résonnent jusque dans la salle d'audience - c'est justement
pour défendre la liberté de manifester. Alain Pojolat, militant
syndical (CGT) et politique (NPA) est poursuivi pour avoir
« organisé » des manifestations interdites en juillet à
Paris, en solidarité avec la Palestine. Il risque jusqu'à six mois
de prison et 7500 euros d'amende.
Le militant de 66 ans, figure de la gauche radicale en France, se
présente à la barre. Pull noir et regard bleu acier. La présidente
du tribunal précise les faits : « On ne vous reproche pas
d'avoir manifesté mais d'avoir organisé des manifestations en
soutien à la Palestine alors qu'un arrêté préfectoral
d'interdiction avait été notifié ». Chargé du lien avec la
préfecture, Alain Pojolat a signé les deux arrêtés interdisant
les manifestations des 19 et 26 juillet. « Vous vous êtes donc
engagé à informer les autres responsables et à faire respecter cet
arrêté », détaille la magistrate en lisant les procès
verbaux. Alain Pojolat : « Je ne me suis jamais engagé à
faire respecter la décision, j'aurais jamais signé ça. Ca n'était
pas à moi de le faire ! J'ai informé mon parti et l'ensemble des
associations qui appelaient à manifester et qui ont décidé de
maintenir la manifestation. C'était une décision collective. Une
manifestation n'est pas appelée par une seule personne ! Je n'en ai
pas le pouvoir. »
D'autant qu'Alain Pojolat ne s'est pas lui-même rendu à ces
manifestations interdites. Pour une seule raison : en juin, il avait
été condamné à 1500 euros d'amende avec sursis pour avoir
participer à un rassemblement non déclaré en soutien à George
Ibrahim Abdallah – communiste libanais en prison en France depuis
trente ans. Un sursis qu'il ne veut pas voir révoqué... Et qui
reste inscrit au casier judiciaire, donc mentionné hier matin à
l'audience. « Nous sommes dans la même catégorie de
délinquance », constate la juge, causant des remous sur les
bancs du public.
La parole est au ministère public, bien en peine de justifier ces
poursuites. « Alain Pojolat se défend de tout pouvoir
d'organisation, mais c'est bien à lui qu'on vient notifier cette
interdiction, lance la procureure. Comme il avait organisé cette
manifestation, à partir du moment où elle était interdite, il
aurait dû participer à sa désorganisation ». Rires dans la
salle.
Pour
l'avocat d'Alain Pojolat, Me Jean-Louis Chalanset,
le dossier est « vide » juridiquement. Reste les causes
politiques de telles poursuites, de la part d'un gouvernement
« pro-israélien ». « Je préfère qu'on ne fasse
pas de cette audience une tribune », le coupe la
présidente. « Aucune manifestation de soutien à la
Palestine n'a été interdite dans le monde entier. Le seul pays qui
l'ait fait, c'est la France !, poursuit l'avocat. On est dans une
hypocrisie totale. Pourquoi poursuivre seulement Alain Pojolat ?
Pourquoi ne pas poursuivre des membres du NPA plus connus ? ».
La
présidente donne la parole au prévenu pour un dernier mot.
Solennel, Alain Pojolat revient à la barre : « Quelque soit la
décision de votre tribunal, aucun gouvernement, qu'il soit de
gauche, de droite ou d'extrême droite, ne nous empêchera jamais de
manifester pour la cause palestinienne. Je suis un militant et je le
resterai jusqu'au bout. »
Trois heures plus tard, le tribunal rend son jugement : « Monsieur
Pojolat, vous êtes relaxé ». Applaudissements dans la salle.
Le parquet à dix jours pour faire appel. A l'extérieur, le militant
ne triomphe pas. « On n'acceptera jamais qu'un gouvernement
nous interdise la rue, on n'aurait même pas dû être là
aujourd'hui. Cette audience montre l'acharnement du gouvernement contre ceux qui
lèvent la tête ».
Trois autres militants sont poursuivis pour avoir distribué, le samedi 26 juillet, des tracts qui appelaient à la manifestation en soutien avec la Palestine. « Ils ont été interpellé à 12H50 alors que le Conseil d’Etat rendait sa décision (interdisant la manifestation, NDLR) à 13h30 », note Me Chalanset, leur avocat. Les policiers ont saisi « caddie, tracts et mégaphone ». Ces poursuites participent, selon Alain Pojolat, à la « criminalisation du mouvement militant ». L'audience devrait se tenir le jeudi 29 octobre, à 13H30, au tribunal correctionnel du palais de justice de Paris.
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