Damien Saboundjian pleure comme un
enfant. Des gros sanglots qui secouent son corps de colosse - 1,90m
pour plus de 100 kg. Depuis l'ouverture de son procès pour violences
volontaires lundi devant la cour d'assises de Bobigny
(Seine-Saint-Denis), le gardien de la paix a craqué à de nombreuses
reprises. D'abord silencieusement, au premier jour, lorsque les jurés
ont prêté serment. Puis très bruyamment, mercredi et jeudi, poussant des
cris aigus, visiblement incapable d'arrêter ses sanglots.
Si l'on en parle de façon aussi
clinique, c'est que Damien Saboundjian n'est pas touchant. Ce père de
famille de 36 ans ne semble capable que d'une seule émotion :
s’apitoyer sur lui-même. « Il n'y a qu'une personne qui a
failli mourir, c'est moi", a t-il osé hier, alors
qu'il est jugé pour avoir tué Amine Bentounsi, un braqueur en
cavale de 28 ans, d'une balle dans le dos. Il dit aussi : « J'ai
un casier judiciaire vierge, j'ai toujours travaillé et je me
retrouve devant une Cour d'assises parce que j'ai fait mon travail ».
« Il souffre d'en être là, confirme à la barre Frantz
Prosper, expert psychiatre. Un acte pareil vous fait changer de rail,
vous n'êtes plus le même. Il dit 'je n'en dors pas'. On s'attend à ce qu'il dise 'Parce que j'ai tué quelqu'un'. Mais non, il dit :
'Parce que j'ai failli mourir'. »
- « A supposer qu'il ait dérapé, lui demande l'avocat général, aurait-il des difficultés à reconnaître un tel dérapage ?
- Oui, répond Bertrand Phesans, il a des difficultés à se confronter à lui-même. »
Damien Saboudjian affirme qu'il a
« failli mourir ». Il l'a répété des dizaines de fois
à la Cour hier, comme un mantra - « J'étais entre la
vie et la mort » a t-il même lancé. Sa version des faits est
toujours la même, au fil des auditions et devant la Cour :
alors que ses collègues poursuivent à pied Amine Bentounsi, il se
retrouve seul au volant de la voiture de police et décide de faire
le tour du pâté de maisons pour prendre le fuyard par surprise. Il
arrête son véhicule au milieu d'une rue et se retrouve face à
Amine Bentounsi qui le braque, dit-il, avec son revolver. « Là,
je me recroqueville dans la voiture, puis je sors. Je le perds de
vue. Je reste sur mon trottoir et là, je vois quoi ? Il sort son
arme. J'ai failli mourir. Je fais quoi ? Je sors mon arme et je tire
comme ça (il mime). Après j'étais tétanisé, je ne bougeais
plus. »
Comme l'élève moyen qu'il a été,
Damien Saboundjian répète sa leçon. Il a utilisé son arme dans une
riposte « nécessaire, simultanée et proportionnelle » face à une
attaque « injustifiée, actuelle et réelle ». Autrement dit, la
définition de la légitime défense dans l'article 122-5 du code pénal.
« Faire usage de son arme, c'est pas évident du tout,
souffle-t-il. C'est trop dur. Honnêtement, c'est trop dur à
gérer ».
Mais ce que Damien Saboundjian a très
mal vécu, c'est l'après : l'isolement immédiat dans un
véhicule de police, le retrait de l'arme, les analyses sanguines à
l'hôtel Dieu et la mise en garde à vue : « J'ai dormi
au dépôt de Paris, dans la souricière, comme un délinquant ».
Pire, quand il est auditionné par l'Inspection générale des
services (IGS, police des polices), on lui crie dessus « comme à un
chien ». « Je leur ai dit 'Parlez-moi calmement, j'ai
failli mourir' ».
En fin de journée, un échange entre
le gardien de la paix et l'avocat général résume brillamment le
déni de l'accusé.
- Loïc Pageot : « Les psychologues disent que vous avez du mal à reconnaître vos erreurs... »- « Quelles erreurs ? », lui répond le gardien de la paix.
Damien Saboudjian risque vingt ans de
prison. Le verdict est attendu aujourd'hui.
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