Vingt-neuf minutes : c’est le temps moyen consacré par la 11e chambre du
tribunal de grande instance de Marseille à chaque audience de comparution
immédiate. Dix-sept minutes pour la présentation de l’affaire, les témoins et
la plaidoirie de la partie civile, six minutes pour le réquisitoire du
parquet et autant pour la plaidoirie de l’avocat.
Pour étudier cette justice expéditive, l’observatoire
régional de la délinquance a, au contraire, choisi de prendre son temps : de février à juin 2015, une
équipe composée de chercheurs de l’université d’Aix-Marseille, de
membres de la Ligue des droits de l’homme, d’observateurs citoyens et
d’étudiants en droit s’est relayée chaque jour à partir de 14 heures et jusqu’à la fin du
rôle. Au total, plus de 500 affaires sont ainsi entrées dans les grilles
d’observation déjà utilisées pour des études similaires à Toulouse, Nice et
Paris.
Autre statistique qui a son importance : 64 % des prévenus ont déjà un
casier judiciaire. Une donnée primordiale pour leur orientation par le
parquet vers une procédure rapide. «
C’est là que tout se joue, alors que cette étape n’a pas d’appel, remarque
Sacha Raoult. Cela donne à cette justice un aspect exécutif très fort qui fait
réfléchir sur la séparation des pouvoirs. »
Depuis sa mise en place sous le Second Empire, la procédure
de flagrant délit, devenue en 1983 celle des comparutions immédiates, n’a cessé
de s’élargir pour concerner aujourd’hui quasiment tous les délits (ceux punis
de six mois de prison au minimum en cas de flagrant délit, deux ans sinon et
d’un maximum de dix ans d’emprisonnement). Aux audiences se mélangent donc
allègrement les délits graves et la petite délinquance sociale. Une
observatrice se dit ainsi surprise qu’«
une audience pour un vol de lunettes par un sans domicile fixe sans
casier judiciaire soit jugée selon la même procédure qu’une affaire d’atteinte
sexuelle sur enfant par son grand-père, déjà condamné à dix années de réclusion
criminelle par une cour d’assises pour des faits identiques ». Spécificité
marseillaise :
le fort contentieux (près de 20 %) lié aux stupéfiants.
Pendant le déroulement des audiences, les observateurs « relèvent des prévenus qui ont
l’air épuisés et stressés, des avocats qui ne semblent pas souvent avoir eu le
temps de travailler sur le fond de l’affaire ». Ils notent aussi une « sorte de formatage de la justice
pénale, avec des expressions légales et judiciaires qui reviennent de dossier
en dossier et de jour en jour ».
Toutes les trois ou quatre affaires, le tribunal se retire
pour délibérer durant une moyenne de vingt et une minutes. La peine de prison
est de loin la plus prononcée (77
%), et ce, malgré l’introduction récente de la contrainte pénale (les
observateurs n’en ont comptabilisé que huit durant les cinq mois d’étude…).
« Le large éventail des
peines alternatives (comme le travail d’intérêt général ou les jours-amende)
n’est quasiment jamais utilisé par les juridictions », précise le rapport. Dans
plus d’une affaire sur deux (53 %), le président prononce une peine de
prison ferme s’accompagnant d’un mandat de dépôt, c’est-à-dire par une
incarcération immédiate de la personne.
« Il y
a un effet générationnel, analyse Sacha Raoult. Les jeunes juges vont
s’approprier les nouvelles peines, mais il leur faut du temps. Il est
aussi beaucoup plus facile pour un juge de mettre en prison quelqu’un qui est
déjà détenu.
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