mardi 3 octobre 2017

« Les faits que nous jugeons sont terribles »

Ils sont deux hommes, perdus dans un immense box, perdus dans un immense procès. Hier matin, à 10 h 34, le président de la cour d’assises spécialement composée de Paris somme les gardes de faire entrer les accusés. Il y a foule dans la salle d’audience divisée en deux : à droite, les bancs réservés à la presse (près de 150 journalistes accrédités) ; à gauche, ceux des parties civiles (232 constituées avant les débats). Abdelakader Merah, 35 ans, et Fettah Malki, 34 ans, pénètrent dans le vaste box des accusés entouré de verre, couvert de grillage et au-dessus duquel se déploie une large fresque représentant le couronnement de Louis XIII enfant.



Le premier, barbe fournie et cheveux longs frisés attachés en catogan, porte une large chemise blanche sur un pantalon beige. Accusé d’avoir « sciemment » facilité « la préparation » des crimes de son frère, Mohamed Merah, en l’aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des faits, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le deuxième, cheveux bruns coupés court, en polo noir, est un délinquant toulousain soupçonné d’avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur. Les deux hommes se saluent et se sourient.
 
Le président de la cour, dans sa robe rouge bordée d’hermine : « La justice a besoin de calme. Les faits sur lesquels nous allons devoir nous pencher sont terribles. […] L’unique objet de ce procès est de répondre à la question : les accusés sont-ils coupables ou non de ce pourquoi ils sont renvoyés devant cette cour d’assises spéciale ? Ils sont présumés innocents. Nous devons pouvoir entendre leurs arguments, comme ceux des parties civiles, dans un climat, si ce n’est apaisé, en tout cas empreint de dignité. » Le président a beau insister sur l’importance de parler à haute et intelligible voix, les deux accusés, qui doivent déclamer leurs nom, adresse et date de naissance, marmonnent dans des micros éteints. « C’est votre procès, il faut qu’on vous entende ! » s’agace le président. « Je suis au maximum », répond Abdelkader Merah.
 
Après quarante minutes durant lesquelles la cour et les avocats égrènent la longue liste des parties civiles, le président fait l’appel des témoins. La mère de Mohamed et Abdelkader Merah se présente à la barre, lançant un baiser vers le box. Un murmure d’indignation parcourt les bancs des parties civiles, des insultes fusent. « Tas de merde ! » lâche à plusieurs reprises Samuel Sandler, père et grand-père de victimes de l’école juive. Quelques minutes plus tard, c’est la femme d’Abdelkader Merah qui envoie un signe discret vers son mari en détention depuis cinq ans et demi.
 
Rappel à l’ordre pour les journalistes aussi qui s’agitent sur leur banc lorsque le président lit la lettre de Bernard Squarcini, ancien chef du renseignement intérieur, qui indique ne pas vouloir se présenter à la barre. Convoqué comme témoin par la défense, le policier à la retraite, placé sous le statut de témoin assisté dans une autre procédure, à la suite de la plainte d’une famille de victimes de Mohamed Merah, affirme vouloir « réserver ses explications aux magistrats instructeurs ». « Sa présence est indispensable », regrette Éric Dupond-Moretti, avocat du principal accusé. Pour l’avocat général, « son statut de témoin assisté ne lui interdit pas de témoigner ». Bernard Squarcini devrait donc être à nouveau « invité » à se présenter à l’audience. Dans l’après-midi, le président de la cour a longuement rappelé les onze jours durant lesquels Mohameh Merah a semé la terreur à Toulouse et Montauban, tuant trois militaires, un enseignant et trois enfants. Le procès doit durer jusqu’au 3 novembre.

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