Ils sont deux hommes, perdus dans un
immense box, perdus dans un immense procès. Hier matin, à 10 h 34,
le président de la cour d’assises spécialement composée de Paris
somme les gardes de faire entrer les accusés. Il y a foule dans la
salle d’audience divisée en deux : à droite, les bancs réservés
à la presse (près de 150 journalistes accrédités) ; à gauche,
ceux des parties civiles (232 constituées avant les débats).
Abdelakader Merah, 35 ans, et Fettah Malki, 34 ans, pénètrent dans
le vaste box des accusés entouré de verre, couvert de grillage et
au-dessus duquel se déploie une large fresque représentant le
couronnement de Louis XIII enfant.
Le premier, barbe fournie et cheveux longs frisés attachés en
catogan, porte une large chemise blanche sur un pantalon beige.
Accusé d’avoir « sciemment » facilité « la préparation » des
crimes de son frère, Mohamed Merah, en l’aidant notamment à
dérober le scooter utilisé lors des faits, il encourt la réclusion
criminelle à perpétuité. Le deuxième, cheveux bruns coupés
court, en polo noir, est un délinquant toulousain soupçonné
d’avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un
pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur. Les
deux hommes se saluent et se sourient.
Le président de la cour, dans sa robe rouge bordée d’hermine : «
La justice a besoin de calme. Les faits sur lesquels nous allons
devoir nous pencher sont terribles. […] L’unique objet de ce
procès est de répondre à la question : les accusés sont-ils
coupables ou non de ce pourquoi ils sont renvoyés devant cette cour
d’assises spéciale ? Ils sont présumés innocents. Nous devons
pouvoir entendre leurs arguments, comme ceux des parties civiles,
dans un climat, si ce n’est apaisé, en tout cas empreint de
dignité. » Le président a beau insister sur l’importance de
parler à haute et intelligible voix, les deux accusés, qui doivent
déclamer leurs nom, adresse et date de naissance, marmonnent dans
des micros éteints. « C’est votre procès, il faut qu’on vous
entende ! » s’agace le président. « Je suis au maximum »,
répond Abdelkader Merah.
Après quarante minutes durant lesquelles la cour et les avocats
égrènent la longue liste des parties civiles, le président fait
l’appel des témoins. La mère de Mohamed et Abdelkader Merah se
présente à la barre, lançant un baiser vers le box. Un murmure
d’indignation parcourt les bancs des parties civiles, des insultes
fusent. « Tas de merde ! » lâche à plusieurs reprises Samuel
Sandler, père et grand-père de victimes de l’école juive. Quelques minutes plus tard, c’est la
femme d’Abdelkader Merah qui envoie un signe discret vers son mari
en détention depuis cinq ans et demi.
Rappel à l’ordre pour les journalistes aussi qui s’agitent sur
leur banc lorsque le président lit la lettre de Bernard Squarcini,
ancien chef du renseignement intérieur, qui indique ne pas vouloir
se présenter à la barre. Convoqué comme témoin par la défense,
le policier à la retraite, placé sous le statut de témoin assisté
dans une autre procédure, à la suite de la plainte d’une famille
de victimes de Mohamed Merah, affirme vouloir « réserver ses
explications aux magistrats instructeurs ». « Sa présence est
indispensable », regrette Éric Dupond-Moretti, avocat du principal
accusé. Pour l’avocat général, « son statut de témoin assisté
ne lui interdit pas de témoigner ». Bernard Squarcini devrait donc
être à nouveau « invité » à se présenter à l’audience. Dans
l’après-midi, le président de la cour a longuement rappelé les
onze jours durant lesquels Mohameh Merah a semé la terreur à
Toulouse et Montauban, tuant trois militaires, un enseignant et trois
enfants. Le procès doit durer jusqu’au 3 novembre.
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